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On en parle

Papiers d’agrumes & Co

Chantal Vérin, le 23 avril 2025

Décrite pour la première fois en Asie du Sud-Est, au pied de l’Himalaya, il y a plus de 2000 ans, l’orange amère est introduite à l’époque des croisades dans le Sud du continent, en Sicile et Andalousie. L’orange douce, celle que nous consommons, n’arrive que bien plus tard, rapportée par les navigateurs portugais. Le Roi dédie aux espèces rares et précieuses un bâtiment spécialisé, l’Orangerie. Avant-guerre, on offre à Noël aux enfants une (unique) orange, symbole de luxe… Aujourd’hui l’oranger est l’arbre fruitier le plus cultivé au monde.

Exposition MIAM – Papiers d’agrumes – Photo ©Chantal Vérin

L’exposition Superbemarché invite à déambuler dans l’univers de ce fruit solaire à travers l’abondante collection des « papiers d’agrumes » reçus en dons par le MIAM, le Musée International des Arts Modestes de Sète. A la fin du XIXème siècle, ces fins papiers de soie blancs ou décorés de motifs naïfs aux couleurs chatoyantes, entourent délicatement chaque orange, et protègent ce fruit fragile cueilli à maturité. Rivalisant d’originalité, ils deviennent au cours du XXème siècle des objets de collection pour les enfants, les chineurs, les amateurs de vieux papier, et les artistes. Parmi eux, l’autodidacte Pascal Casson, passionné par le papier sous toutes ses formes, ou Jean Seisser, auteur d’une biographie sur le maître des lieux Hervé di Rosa, initiateur de l’exposition, ont largement alimenté le fonds du musée. 

Côté de cagettes d’agrumes – Collection Bernard Belluc

Froissés ou lissés, illustrés de saynètes empruntées à des contes enfantins, habillés de graphismes et de motifs variés, ces papiers au destin éphémère sont d’abord des porteurs de messages publicitaires d’un fruit vitaminé, synonyme de santé et venant de pays ensoleillés. L’emballage d’un fruit devenu produit commercial mondial véhicule toute sorte d’informations sur la variété, l’origine, la production, la marque, l’importation du produit et sa consommation. Par leur diversité, leur nombre et leur originalité, ces papiers inspirent. Hommes de lettres et poètes, comme Francis Ponge, Paul Éluard, Alphonse Daudet ou Jacques Laferrière, leur dédient leurs lignes. Les professionnels de l’image, les designers et les graphistes portent un regard attentif sur ces images surgissant du quotidien. Le papier d’agrumes, art marginal, exporte ses principes, ses codes et sa poésie. 

Mêlant collections de papiers d’agrumes, sachets publicitaires, étiquettes collées sur les cagettes, affichettes, estampilles et œuvres d’artistes contemporains, les commissaires de l’exposition, Françoise Adamsbaum et Gaëlle Maury, avec le duo de designers graphiques Rovo, portent une réflexion élargie sur les spécificités d’un graphisme lié à l’acte marchand. Le peintre Francis Baudevin présente une série de toiles reprenant des motifs d’emballage, les artistes Mazaccio & Drowilal créent des collages, par une série de sérigraphies Pascale Herpe rend hommage aux femmes « transbordeuses » de fruits et leur courageuse grève de 1906. Antoni Miralda, quant à lui, avec son projet ADN-DNA, décrit un fruit grotesque et non standardisé !

Antoni Miralda – ADN – DNA en collaboration avec la Todolí Citrus Fundació – 2024 – Photo ©DR

L’exposition jette un regard sur d’autres supports inattendus : bâches de camion peinturlurées de slogans, cagettes colorées de provenances variées abandonnées sur les marchés… Un art qui, au-delà des apparences, doit déranger, tant il pose la question de la surabondance, du déchet, du gaspillage et des enjeux géopolitiques, climatiques et écologiques.  

Le designer italien Bruno Munari s’interroge : « Qu’est-ce-que la peau d’un fruit, si ce n’est son emballage » ? Dans notre quotidien de consommateur mondialisé, l’orange avec sa rondeur et sa couleur est un objet presque parfait. Éloge de la simplicité, sans le superflu, le trop-plein et l’envahissement publicitaire.

Exposition MIAM – Papiers d’agrumes – Photo ©Chantal Vérin

Par ce regard artistique sur des collections d’imprimés modestes, l’exposition poursuit le travail de défrichage de territoires artistiques improbables et ignorés. La notion d’Arts Modestes englobe un ensemble d’objets qui se dérobent à toute classification et n’appartiennent pas au grand art. Le MIAM, en interrogeant les productions délaissées ou déclassées, déplace le regard et casse une hiérarchie établie.

En Une : MIAM – Exposition Papiers d’agrumes – Photo ©Chantal Vérin

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