Créée en 1844 par le baron Taylor, l’Association des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, architectes et dessinateurs (dite Fondation Taylor), fait figure d’exception dans le paysage culturel français. Située rue la Bruyère dans une maison-atelier, elle propose des expositions d’art contemporain en entrée libre. Reconnue d’utilité publique en 1881, la Fondation, l’une des plus importantes institutions œuvrant à la défense des artistes. Sa vocation de soutien à la création artistique et de développement de la connaissance des arts se traduit par l’organisation d’expositions, l’attribution de bourses et de prix. Intègre et authentique, non inféodée à l’hyper-contemporain fabriqué, et fondée sur un principe de solidarité, son indépendance et sa longévité attestent de sa nécessité.
Trois artistes âpres et costauds exposent actuellement, creusant chacun une singularité créatrice dure et affirmée.
Les surgissantes sculptures d’Yvan Chatelain, par ailleurs très puissant peintre, désossent à vif, et sans concession, les attendus de la séduction. L’humanité vive et fragile, expressive et attaquée, est son unique territoire de création. Si l’ego n’est pas son fort, la responsabilité de l’artiste est son credo vital.
Si la source expressionniste est présente, Yvan Chatelain, homme d’âme et de terre travaillée, ose exacerber l’indispensable vérité de la création. Chacune de ses sidérantes sculptures est un choc pour le dehors et pour le dedans : « A cet endroit, c’est la terre glaise qui commence à me corriger pour parvenir peut-être, à un témoignage de ce qui est, et est en train d’avoir lieu. »
Comme un rêve infini, l’interminable nuit de David Géry se nourrit de l’énergie qu’elle saisit. Plus il s’éloigne de l’image, plus il envoûte l’espace peint. Dans ce combat à peinture nue, l’artiste, sombre magicien, s’ouvre aux fondamentaux de la couleur, du corps et de la nuit. Quand la lave humaine sommeille dans les profondeurs bloquées, David Géry assène la singularité terrifiante et fabuleuse du ressenti archaïque. Explorateur d’un resserrement chromatique inouï, dans la tension exacerbée du bleu assourdi et du noir absolu, il creuse des trous dans la lumière, et le vide occidental se noie dans ces plénitudes surgissantes.
Pascale Parrein impose une formidable et subtile tension des noirs et des blancs où l’humain fantomatique sabre et calligraphie magistralement l’espace, quand naissent d’autres possibles, et d’autres élans. Corps écrasé de nuit, corps en absolu premier plan, corps en frontalité dominante, asséné comme un drapé de chair.
On voit des taches d’êtres, des traces humaines qui tressaillent dans la nuit, et de sublimes esquisses d’humanité. Déshabillant tous les dehors, elle se moque des apparences. Et quelque chose d’interdit sidère à vif ces déploiements vitaux. Pascale Parrein habite les ténèbres en agissant silence.
Jusqu’au 3 mai 2025
Fondation Taylor – Paris 9ème
En Une : Daniel Géry – Pelléas et Mélisande