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On en parle

Transgression, es-tu là ?

Christian Noorbergen, le 30 septembre 2020

L’art interroge tout ce qui manque à l’homme pour combler les distances qui le séparent de la nature, et de sa nature… L’homme de la préhistoire souffrait de la perte de l’insondable animalité, et l’homme d’aujourd’hui en souffre encore. Séparation éveillant la terreur de l’implacable mortalité, et la tentative inouïe d’imaginer par l’art une sublime immortalité fantasmée, ou une existence sans limite.

Une partie art actuel a pris la transgression, naguère moyen d’explorer en prenant des risques psychologiques ou sociaux, comme fin en soi. La recherche de la transgression est devenue une obligation, voire une obsession. Je transgresse, donc j’existe. Je transgresse, donc j’émerge. Plus besoin de chercher l’œuvre dite authentique, il n’y a plus qu’à repérer les transgressions. Mais la transgression recherchée n’est pas sincère, et n’est pas habitée. “Bricolage dans l’incurable“ disait Cioran le non-aimable.

Transgression vraie du côté de l’impensable, du côté de la différence sexuée, de l’abîme de l’individualité, du silence de l’univers, ou de la vie avant la mort, qui fouillent encore la perte des origines, fondatrice de l’humanité. 

Véronique Pastor – ils nous regardent – 2020 – Stylo bille bleu sur calque polyester – 50×31 cm

Mais l’écart entre l’homme et sa nature se creuse, et ne cesse de se creuser. Les systèmes se fatiguent avant de se savoir fatigués, il faut les transformer contre leurs propres certitudes. Les transgresser du dedans.

L’art, dans les moments de crise où la culture enfin se dénoue, assèche les sources des concepts trop installés, effondre les bases de la représentation, et au lieu de privilégier le sens, en montre les limites et s’ouvre au non-sens. Transgressions vitales. Ainsi, l’art bouscule l’inertie des cultures. La plénitude épuisée, saccagée, puis restaurée, fait vibrer à jamais les cordes de l’existence profonde.

Les Transgressions Frivoles

Puce avide de sensations, dans les bulles de l’ego. Petit saut dans le presque rien, la transgression fabriquée, éphémère et anecdotique, fait diversion, détourne de soi, et les médias tournent autour… Imposture fabriquée…

La transgression pour la transgression, et comme moyen commode de communication, est jeu de mode, remarque ludique hors du champ du remarquable. Petit attentat confortable, forme esthétisante de l’arrivisme. Les courants d’art installés servent de repoussoir, et la transgression devenue système installe pour un temps les professionnels de la transgression, forts nombreux par les temps d’art qui se traînent…

Jeux d’apparence, d’appareil, d’argent et d’apparat…

Cartes brouillées de l’authenticité, de l’acquis, de l’éthique, du culturel, des lieux d’art, ou des lieux sans art… Les transgressions futiles sont en quête éperdue d’attractives et putrides censures, et les pauvres éclats de ces transgressions à petits pas sont autant de miroirs de pauvre singularité. Elles éprouvent à bon compte le grand jeu des libertés acquises, le trop-plein de tous les possibles, et les boursouflures de la vacuité. Une trop grande partie de l’art d’aujourd’hui se nourrit de ces apparentes transgressions. Comme elles ne nourrissent pas très longtemps, sinon le temps d’une médiatisation de surface, il faut vite remettre le couvert…

Les Transgressions Vitales, de A à Z

Antoine Correia

Notre époque ignore les frontières. De rupture en rupture, elle se vit, difficilement, dans une interminable remise en question. Régression possible, jusqu’aux intégrismes pluriels. Beaucoup vont à la soupe, fût-elle, en profondeur, impopulaire.

Contre les surfaces évidées du goût collectif, les transgressions de vérité réveillent l’archaïsme des zones psychiques du dégoût… Elles éveillent… Le primitif oublié revient. Le tenu à l’écart des bienséances culturelles surgit.

Jérôme Zonder – Pierre François

La transgression installe les stigmates du manque à être. Elle pose des repères de fête sur les repoussoirs de l’interdit. La transgression comme fenêtre d’altérité se fait initiatrice, elle incise le réel, crée un seuil où l’humanité s’installe au vrai, fait de la place au non-être pour construire hors des bases fatiguées.

Lydie Arickx

D’Arickx Lydie à Zonder Jérôme, créations d’art et transgressions vitales s’étreignent.