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On en parle

Tal Coat à Kerguehennec

Chantal Vérin, le 15 novembre 2019

Le domaine de Kerguéhennec dans le Morbihan est un haut-lieu de patrimoine et de création contemporaine. A la fois parc paysager, parc de sculptures et centre d’art ouvert aux artistes du spectacle vivant aux côtés des artistes plasticiens, le domaine accueille désormais le fonds Tal Coat.

L’importante collection publique de près de 1200 œuvres, récemment enrichie de sept peintures des années 70 et 80 données par Françoise Simecek, dernière compagne de l’artiste, s’installe dans le château du XVIIIème siècle. L’espace est entièrement consacré à l’œuvre de Tal Coat, selon un parcours chronologique, des années 20 aux années 80. Le camaïeu gris des murs renoue avec l’esprit du XVIIIème siècle, et la lumière naturelle, par les ouvertures sur le parc, est privilégiée. Le parcours didactique se décline en quatre séquences, “faire face”, “au cœur du monde en devenir”, “réalité mouvante des choses”, et “émergence des profonds.” Une salle thématique est réservée aux portraits, un cabinet d’art graphique clôt le parcours.

Barre dans le jaune – 1970 – Huile sur toile – 80×130 cm

Tal Coat (1905-1985), de son vrai nom Pierre Louis Corentin Jacob, est issu d’une famille bretonne de marins-pêcheurs. Pupille de la Nation, apprenti forgeron, clerc de notaire, mouleur dans une faïencerie, il croise très tôt le monde de l’art. D’abord près de chez lui à Pont-Aven, puis à Paris, où son talent est vite reconnu. Il rencontre Hemingway, Tzara, Artaud, les frères Giacometti, Picabia, et Gertrude Stein, dont il fera un impressionnant et massif portrait. Tous les domaines de la peinture l’intéressent, paysage, portrait, nature morte. Il fréquente les musées, et se nourrit des grands Anciens, Rembrandt, Velasquez… Il devient enfin Tal Coat, un pseudonyme à la consonance bretonne, pour ne pas être confondu avec le poète et peintre Max Jacob.

Réfugié dans le Midi, il fait l’expérience de la lumière crue et des couleurs violentes et produit la série des Massacres, en lien avec la tragédie de la guerre d’Espagne. “Le thème des massacres, c’est aussi ma révolte contre l’injustice en rapport avec l’histoire et avec mon expérience d’enfant de la guerre.” Tableau fortement expressionniste et seule référence à un événement extérieur.

“Profils sous l’eau”, ”les Arborescences”, signent le retour au calme de l’après-guerre et un tournant dans l’œuvre. Pour le philosophe Henri Maldiney “l’espace de Tal Coat, c’est l’espace du paysage, non d’un paysage-spectacle mais d’un paysage-milieu(….). Il nous enveloppe et nous traverse. ” Les expérimentations se poursuivent au rythme d’une démarche évolutive. Tal Coat broie les couleurs, élabore des mélanges, crée une matière mouvante. Il griffe la surface de la toile et trace des sillons. Dans le tableau d’apparence monochrome, forme et fond, figure et paysage fusionnent.

Gertrude Stein – 1935 – Huile sur toile – 116×89 cm

La salle réservée aux portraits est exemplaire du cheminement de Tal Coat. La peinture, réduite à l’essentiel, a effacé l’image du visage humain, laissant place à l’humanité de chacun.

Le visiteur ne quittera pas ce beau lieu sans un détour par le Pavillon d’architecture où est présenté le projet de l’architecte coréen Lee Hyun Jae. S’intéressant au fonds Tal Coat, il a imaginé un espace mettant la peinture en relation avec paysage et nature. Réalisation en 2020.

Fonds Tal Coat
Domaine de Kerguéhennec – Bignan (56)