Ruta Jusionyte, venue de la lointaine Lituanie, sculpte, dessine et peint. Elle creuse à vif les voies de la création. Ses êtres sculptés, autrefois couleur de boue, s’approchent maintenant de la blancheur et de la paix. Ce sont des êtres déchargés de leurs peines et de lacunes. Invaincus, ils ont traversé tous les désastres, et leurs yeux sont aussi grands que leur fragilité… Avec des coulées de ciel, ils sont à portée de nos tendresses. Ruta, en sublime densité, ose réconcilier du dedans l’homme universel et son animalité.
Art à hauts risques, car il n’y pas l’ombre d’un divertissement. Pas le moindre mirage de séduction, mais une insidieuse contagion, la pure présence du grand œuvre. Une compassion extrême et crue. Alchimie de la plus dure présence et de la beauté vive.
Des peintures lumineuses et chargées
L’innocence insolente
Ruta Jusionyte aborde la peinture en conquérante. Elle fonce. Elle tranche l’univers au scalpel aigu de ses couleurs vibrantes et décalées. Ses vives peintures sont autant de vitraux sidérants, chargés de puissance et d’impact. Elle ose l’implacable célébration des pigments les plus acides. La tension des couleurs, comme lavées par le temps, est poussée à l’extrême, et chaque peinture secoue l’édifice. Fascinante contagion chromatique.
Ruta invente à cru un prodigieux magma chromatique âpre et décalé. Et quelle scénographie éclairante de la communauté humaine ! Le drame, le jeu et la fête coexistent. Les vibrantes créatures de Ruta, en flagrants délices vitaux, scrutent l’autre de l’autre en chacun, et les regards sont chargés. Ces personnages ont un air de famille archaïque, et d’humanité partagée, et même une forme plurielle d’immense autoportrait. Ces êtres peints, un rien barbares, existent en formidable jubilation graphique. Ils se livrent entièrement à leur destin. Déshabillés de tous les dehors, sous des dehors rassurants et quotidiens, ils se moquent des attendus de l’art, et de l’ordinaire vie sociale. Quelque chose de vaguement interdit bouscule ces réunions tendues, ces rassemblements éphémères, surgissants et festifs.
L’espace n’absorbe pas les personnages, il les sacre. Ruta garde intactes les forces vives des énergies indomptées de la vie. Ainsi ses émouvantes créations sont habitées d’animalité latente. Elles incarnent la tribu humaine. Elles sont possédées du dedans, et leurs apparences déchirent l’étendue.
Cet art lumineux exulte de santé sauvage, et d’immense poids de vie dévorante. La tache, parfois, accidente l’étendue, et l’étendue vacille.
Art Espace 83 – Jusqu’au 21 avril 2018 – La Rochelle (17)
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