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On en parle

Retour sur Border – Nouvelles Frontières

Gersende Petoux, le 12 septembre 2022

Le carillon de Tournai, édifié au XIXème siècle par l’architecte Henry Lacoste et haut-lieu de la bière au temps béni des brasseries Carbonelle-Dumortier, est aujourd’hui un lieu rêvé pour l’urbex, d’autant plus inattendu qu’il surplombe la Grand-Place aux portes de la cathédrale. De style Renaissance Flamande, il peut se targuer d’une forme d’invincibilité et de haute résistance puisqu’il fut l’un des seuls édifices de la Grand-Place à résister aux bombes destructrices en 1940 !
Ses murs lépreux aux fresques-bandes dessinées, retraçant la saga de la bière tournaisienne ou commémorant les pavillons coloniaux des expositions universelles d’après-guerre, comme son carrelage d’époque ou ses fenêtres ornementées de blasons-vitraux, ont servi d’écrin à Border, Triennale d’Art Contemporain – Nouvelles frontières.
Petit retour sur cette manifestation.

Une exposition multi lieux (TAMAT, Musée de la tapisserie et des Arts Textiles – MBA, Musée des Beaux-Arts – MuFlm, Musée de folklore et des Imaginaires et le Grand Large, Territoire de la pensée) interrogeant sur les frontières, les flux migratoires et autres crises planétaires, politiques, économiques, démographiques ou écologiques. Des artistes belges ou français investissent les cinq niveaux, d’installations en photographies, de vidéos en travaux plastiques ou graphiques, la poésie et l’esthétisme parviennent à adoucir un sujet aussi poignant que douloureux.

Sophie Mavroudis – Reliques – Chaussures d’enfants retrouvées sur une plage grecque – 2019

Ainsi l’artiste montoise Sofhie Mavroudis met en scène dans “Reliques” – 2019, des chaussures d’enfants “made in Syria”, tristement échouées sur les côtes méditerranéennes, dérivant au gré des courants marins. Son installation évolutive “Sans nom” – 2019 est un mur d’enfants disparus, recherchés par leur famille sur les réseaux sociaux, où chaque photomaton baigne dans un étui plastique numéroté contenant de l’eau de mer ; les petits visages s’effaçant peu à peu, rongés par le sel mais point par l’oubli.

Thomas Israël Exilt – Photographie et vidéos – 2016

Le bruxellois Oussame Tabti rend hommage quant à lui aux chibanis, ces aînés maghrébins venus travailler sur le sol français dès les années 40. Le 5ème étage du carillon accueille un accrochage sobre et élégant de leurs vêtements et accessoires dans “Shapes” – 2017, qui n’est point sans rappeler les salles des pendus dans les mines, quand les habits de mineurs restaient suspendus au plafond, le temps d’un dur labeur au cœur des boyaux de l’enfer noir.

Autre artiste présent, le parisien Mathieu Pernot filme et photographie les traces et passages des migrants à Lesbos, objet de son livre “Ce qu’il se passe “.

Mathieu Pernot – Molivos, Lesbos, Grèce – Photographie – 2020

Deux happenings ont clôturé cette triennale lors des journées du patrimoine belges les 10 et 11 septembre 2022. L’artiste Mathurin Van Heeghe et son “Orgue de barbarie”, installation sonore composée de pièces d’orgues traditionnels et de tuyaux fabriqués à partir de douilles d’obus sculptées lors de la 1ère Guerre Mondiale. La plasticienne Shen Özdemir et ses drapeaux pluriculturels, qui ont accompagné les quatre cortèges de géants, fanfares et chars traditionnels du week-end de la Grande Procession. Cette manifestation religieuse en l’honneur de Notre-Dame flamande tire son origine du 11ème siècle et s’impose comme évènement incontournable de la vie de la “Cité des Cinq clochers”, tant sur les plans historique, artistique que religieux.

En Une : Oussama Tabti Shapes – Installation – 2017