< retour aux Articles
On en parle

Rembrandt en eau-forte

Chantal Vérin, le 29 juin 2023

Depuis mai 2021, L’Abbaye royale de Fontevraud aborde une nouvelle page de son histoire avec l’ouverture d’un nouveau musée de France : “Fontevraud, le musée d’Art moderne-collections nationales Martine et Léon Cligman”.

Accolé au plus vaste ensemble monastique d’Europe, et centre d’art d’envergure internationale, le musée a été créé ex-nihilo, grâce à la donation exceptionnelle des époux Cligman. Martine Cligman, épouse d’un industriel esthète et fille d’amateurs éclairés (Pierre et Denise Lévy, généreux donateurs au Musée de Troyes), est elle-même une artiste reconnue sous le nom de Martine !

Rembrandt – Adam et Eve – 1638 – Eau forte

Véritable gageure selon les mots de Dominique Gagneux, qui propose dans ce musée une programmation à la hauteur des exigences dictées par ce haut lieu chargé d’histoire.

Après l’exposition “Métamorphoses. Dans l’art de Claude Monet“, le musée poursuit sa présentation de figures majeures de l’histoire de l’art. “Rembrandt en eau-forte invite à la découverte de l’œuvre en noir et blanc de Rembrandt van Rijn (1606-1669) à travers sa pratique d’aquafortiste. 

Rembrandt – Saint-Jérôme dans une chambre obscure – 1642

La centaine d’œuvres graphiques, souvent fragiles, et de ce fait rarement montrées, prêtées par le fonds Glénat à Grenoble, le musée du Petit Palais et la Fondation Custodia à Paris révèlent la parfaite maîtrise de la technique de la gravure par Rembrandt, qui, entre 1628 et 1665, a réalisé quelque trois cents estampes.

Les commissaires Dominique Gagneux, directrice, et Gatien Du Bois, chargé de projets, ont mis l’accent, plutôt qu’une présentation thématique convenue (portraits, paysages, sujets bibliques, mythologiques), sur les divers moyens esthétiques (clair-obscur, hachures, accumulations, trouées, cadrage), par lesquels Rembrandt parvient à saisir une expression, évoquer des états d’âme, créer du mouvement, ou encore accentuer un effet dramatique. La cohérence du regard se trouve renforcée par ce décloisonnement.

Rembrandt – Vieillard à grande barbe blanche – 1630 – Eau-forte

Les nombreuses autoreprésentations de Rembrandt, saisies face au miroir, captent un étonnant répertoire d’expressions : souriant, mélancolique, grimaçant, hagard, étonné, frappé de stupeur. Les “tronies”, études de tête, traitent plutôt d’un trait de caractère ou d’un état, comme la vieillesse. Certaines figures archétypales semblent inspirées de scènes observées ou de gravures collectionnées (Dürer, Jacques Callot), on retrouve maintes saisissantes physionomies dans des scènes de genre plus ambitieuses. 

Rembrandt – Vieille femme dormant – 1637 – Eau-forte

Rembrandt a su combiner toutes les techniques, il a osé multiplier les “états”, retravaillant plusieurs fois la même plaque, ajoutant des effets, utilisant des encrages différents, jouant du clair-obscur, ou modifiant la luminosité. Certaines estampes peu “mordues”, comme le “Repos pendant la fuite en Égypte“, sont très proches du dessin à la plume. Les compositions, quelles qu’elles soient, résultent d’une exécution très libre, à la forte dramaturgie, comme dans le “Paysage aux trois arbres“.

Rembrandt – Paysage aux trois arbres

Plus connu de son vivant pour ses œuvres graphiques que pour ses tableaux, artiste collectionneur et collectionné, Rembrandt est le maître incontestable du XVIIème siècle, le Siècle d’or hollandais.

A noter, disséminées dans le parcours, les photographies sur cuivre de paysages d’Elger Esser, qui, par l’expérimentation technique, “fabrique” d’audacieuses images.

En Une : Rembrandt – Tête grotesque – 1631 – Eau-forte

Jusqu’au 24 septembre 2023
Musée d’Art moderne de Fontevraud (49)