Cette question est d’autant plus nécessaire à poser qu’elle est paradoxale car la création vivante en France n’a jamais été aussi abondante, riche, diverse et de qualité… Ce qui permet de garder l’espoir d’un proche retour des galeries pour la reconstruction de l’écosystème de l’art.
Toutefois, on constate que les galeries de proximité, à taille humaine, éloignées du grand marché spéculatif, aux prix accessibles, proposant des œuvres qu’on aime parce que de l’ordre de la mise en forme du sensible et du poétique, et qui ont pourtant, pendant longtemps, constitué la partie centrale du système de reconnaissance et de légitimation de la création vivante, sont aujourd’hui, victimes d’une désaffection de plus en plus grande de leur public habituel d’amateurs et d’acheteurs.
Il y a déjà 5 ans, j’ai posé la question à environ 400 galeristes. Voici 10 facteurs possibles de ce désenchantement (passager nous l’espérons) qui m’ont été évoqués, entre autres, par les galeries qui m’ont répondu. Facteurs qui restent toujours d’actualité !
- Le pessimisme ambiant lié aux incertitudes du monde.
- La perte de sens et de foi en l’art, indirectement générée par les excès spectaculaires du business-art et le cynisme du grand marché spéculatif
- La floraison des sites de vente non sélectifs en ligne, générant une sorte d’”ubérisation” du marché et de perte de repères pour des acheteurs livrés à eux-mêmes.
- Le primat de l’achat placement et/ou signe d’appartenance sur l’achat émotion sincère devenu “démodé”.
- Le rôle néfaste des galeries subventionnées et de leur “conceptualisme” obligé.
- La prolifération des sous-produits pop-art et street-art aussi bien dans les foires d’art que dans les galeries commerciales “franchisées”.
- Le prix de vente des œuvres d’art vivant, beaucoup trop élevé en général (surtout pour la peinture)
- Le manque de solidarité et d’organisme national vraiment fédérateur pour défendre un intérêt commun des galeries, au-delà des différences de tendance, de “professionnalité”, de notoriété et de chiffre d’affaires.
- Le manque de loyauté de beaucoup d’artistes, pour qui la galerie est une vitrine et qui vendent “en douce” dans leur atelier aux acheteurs qui pourtant les ont découverts à la galerie.
- Le désintérêt apparent des économistes, sociologues, psychologues, philosophes, anthropologues, historiens-critiques d’art pour cette désaffection à l’art que mêmes les guerres n’ont pas produite, et dont ils devraient être les premiers à se préoccuper.
Pourtant, il est inconcevable et impossible que les galeristes, ces “partageurs de passion pour l’art actuel” disparaissent. Un tel parachèvement de la déshumanisation de l’art est inimaginable. Alors !