Carte blanche ! La Villa Cavrois offre à Philippe De Gobert, le temps d’un été, son architecture paquebot majestueuse comme lieu d’expression. Volumes hors normes, lumière d’exception, ouvertures panoramiques sur un parc arboré, elle est sans conteste un terrain de jeu idéal pour cet artiste photographe belge dont les œuvres originales et inventives colorient le site.
Aux confins de la réalité et de l’imaginaire, Philippe de Gobert se définit lui-même “ni architecte, ni peintre” mais donnant “une vision poétique un peu décalée” des univers qui l’inspirent. Pour un photographe, amateur de demeures aussi grandioses qu’alambiquées, la problématique est de pouvoir prendre le recul nécessaire pour restituer la réalité en évitant la déformation, pari impossible avec des focales normales. Pour tricher en restant fidèle aux volumes et à l’esprit du mouvement hollandais De Stijl, l’artiste n’a qu’une seule maxime : “lumière, volumes, couleurs, c’est tout !”. Lui vient alors l’idée de miniaturiser le monde en réalisant des maquettes avec une minutie et une patience exemplaires, qu’il scénarise ensuite pour mieux les photographier.
Située à Croix, aux portes de Roubaix, la villa fut édifiée entre 1929 et 1932 par l’architecte franco-belge Mallet-Stevens pour le compte d’un magnat du textile, Paul Cavrois. Ses lignes rigoureuses, perpendiculaires et simples servent un édifice d’une originalité avant-gardiste, paré de bois précieux, doté d’un nombre presque indécent de chambres et salles de bain, voué à accueillir cette grande famille bourgeoise roubaisienne. De Gobert s’approprie les 1840 m2 habitables pour nous offrir une balade étonnante et poétique ponctuée de planches à dessin, nuanciers de couleurs, réalisations de précédents projets (Villa Malaparte de Capri ou Villa Arbat de Konstantin Melnikov), maquettes fidèles à la réalité ou fruits de son imagination féconde, photographies noir et blanc…
Citizen Cavrois avait la folie des grandeurs, pour preuve ce Xanadu nordiste ! La salle à manger d’un vert tendre plonge littéralement sur le parc et son bassin-miroir d’eau longitudinal. La cuisine surdimensionnée à la blancheur chirurgicale et la lingerie sont aussi fonctionnelles que révolutionnaires, clin d’œil sur les robinets qui se font triples quand l’eau chaude et l’eau froide s’accordent en fusion sur de l’eau tiède adoucie de surcroît, propriétés anti calcaires oblige ! L’âtre de la cheminée accueille de confortables banquettes de cuir invitation à bouquiner ou papoter dans ce coin-feu en alcôve arrondie. Au deuxième étage, la salle de jeux des enfants et les salles d’étude non mixtes en belvédère sont un véritable écrin pour les œuvres colorées et ludiques de Philippe De Gobert que l’innombrable descendance de Paul Cavrois n’aurait sans doute point boudées.
Féru d’architecture moderniste et primé par l’Académie d’Architecture en 2022 pour ses créations en axonométrie, ce poète à la palette photographique aime revisiter les sites remarquables ou reproduire les ateliers d’artistes. Tel Gulliver, il inverse parfois la démarche : ses maquettes lilliputiennes visant à miniaturiser le monde sont alors mises en scène puis photographiées, retrouvant une échelle humaine le temps d’un cliché.
Pour musarder dans les Hauts-de-France cet été, laissez-vous porter en un lieu d’exception pour un voyage en utopie aux frontières du merveilleux…
Jusqu’au 10 septembre 2023
Villa Cavrois – Croix (59)
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