Patrick Loste ou le sacre archaïque du cheval infini
Christian Noorbergen, le 1 mars 2021
Patrick Loste travaille au sol sur de rudes bâches, et dans cette œuvre de boue et d’intemporalité, la surface des choses a disparu. Il n’y a plus qu’un espace ouvert qui s’étend jusqu’à l’immensité, la seule à faire paysage.
La diversité des couleurs est inutile, celles de la terre, de la roche et de la robe animale suffisent, et l’œuvre prend le monde à son compte, pour avoir l’âge de l’univers. De grandes plaques verticales, peut-être issues des ténèbres, ou nées de la grotte primitive, imposent une sidérante muralité. Et l’œuvre respire. Elle parle la langue ancienne et dépouillée de nos lointains. Elle n’a pas besoin de l’homme déraciné qui a perdu le sens de la paroi, de la bête et de l’horizon.
Les rudes couleurs de Patrick Loste s’abandonnent à la contemplation de ce qui reste quand il n’y a plus rien, sinon la terre première, vierge de toute civilisation. D’un côté, l’espace englobant, et de l’autre, l’animalité puissante, par quoi l’humain fragile s’accouple à ses sources. Sacre archaïque du cheval, quand le surgissement de la bête fait remède à l’horizontalité fatiguée de nos rêves perdus.
Chez Patrick Loste, l’être-cheval et l’œuvre picturale s’étreignent. Ce n’est pas de l’esthétique : depuis son enfance, Patrick Loste n’a plus jamais quitté l’étrier. Chez lui, le cavalier et sa monture font la vie. Superbe et sublime unité d’art. Le cheval traverse l’étendue, l’étendue traverse le cheval. La sensuelle noblesse du cheval hante les plus hautes cultures, d’Arabie ou de Chine. Elle nourrit la plus riche symbolique animale, du nomade anonyme des steppes jusqu’aux saints reconnus des mythes grecs, arabes ou chrétiens.
Patrick Loste n’illustre jamais le monde des chevaux. Il peint d’inconnus cavaliers, infimes passeurs d’immensité. À l’arrache, il peint des saints Georges qui affrontent, des cavaliers qui chassent, des fauconniers qui regardent le ciel. Il ne cesse de peindre de fabuleux centaures, ses doubles impossibles. Autant de prétextes créatifs, autant de voies pour que le cheval peint puisse habiter enfin la terre innombrable.
Après la peinture, chevaucher la bête le remet en selle… Au centre de son art, le cheval centre l’homme. Patrick Loste peint l’entité cheval-homme, celle qui crée l’étendue par sa foulée, qui fusionne l’homme aux sources de sa profonde et secrète animalité.
À partir du 19 février 2021 Galerie DX – Bordeaux (33)
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