La nouvelle exposition Paris-Bruxelles 1880-1914, “Effervescence des visions artistiques“ du Palais Lumière à Évian s’inscrit dans la continuité d’une programmation qui témoigne de la diversité et de la richesse de la production artistique allant du milieu du XIXème au XXème siècle.
Si Paris est peut-être alors le centre du monde artistique, Bruxelles n’est pas très loin. Le commissaire Philip Dennis Cate, spécialiste du XIXème siècle, souligne l’importance de l’événement par la quantité d’œuvres issues d’une seule et même collection privée de 5000 pièces, et par l’éclectisme étonnant du collectionneur-prêteur. Peintures, dessins, aquarelles, estampes, affiches, livres et revues, soit quelque 400 pièces d’artistes connus ou non, tous actifs dans les mouvements d’avant-garde, permettent de retracer un moment capital de l’histoire de l’art en France, ainsi que les activités du groupe d’avant-garde belge, « le Cercle des Vingt ».
A Paris le nouveau siècle commence par l’événement international de l’Exposition universelle de 1900. Le climat de prospérité et d’émulation de l’époque favorise à la fois la création artistique et l’apparition de nouveaux acteurs de la vie culturelle, mécènes, marchands et collectionneurs. Salons et galeries prospèrent. Paris est le refuge de nombreux artistes étrangers, et les courants esthétiques, des plus conservateurs aux plus novateurs, se partagent la scène artistique.
Le Japon, pays fermé jusqu’en 1868, suscite un véritable engouement. On sait son importance pour Van Gogh. Séduit par la nouveauté de l’offre, le public achète les « japoneries » fantaisistes dans les tous nouveaux grands magasins. Les estampes au prix abordable et aux sujets simples fascinent, et les artistes trouvent là une nouvelle source d’inspiration. La Japonaise de Claude Monet, ou Madame Georges Achille-Fould de Léon Comerre, représentent des Occidentales déguisées en Japonaises. Onze souris de Marie Gautier est l’œuvre amusante d’une « japoniste » qui appose sur son eau-forte un tampon rouge de style japonais. Henri Rivière réalise en plans successifs Trente-six vues de la Tour Eiffel, où la tour apparaît pouvant être vue sous différentes perspectives, à l’instar des Trente-six vues du mont Fuji d’Hokusai.
Le « Japonisme », plus qu’un objet de curiosité et une mode passagère, laisse sa marque et influence les différents courants artistiques qui traversent l’époque. De l’Art Nouveau, avec ses représentations de femmes-fleurs associées à la nature, au Symbolisme, avec leurs réinterprétations intemporelles du répertoire littéraire et légendaire. Carlos Schwabe est sensible aux théories occultes des Rose-Croix, quand Lucien Lévy-Dhurmer dépeint des figures rêveuses et mélancoliques. Les Nabis, de Bonnard à Maurice Denis, s’accordent le « droit de tout oser », abolissant toute hiérarchie des genres et tout académisme désuet.
Paris et ses faubourgs verdoyants inspirent les artistes qui proposent, en touches de couleur juxtaposées, une vision renouvelée du paysage, de Georges Seurat à Angrand à Louis Hayet, qui préfère les sujets urbains et la vie moderne.
L’art de la fin du siècle ne se comprendrait pas sans l’évocation de la Butte Montmartre, haut lieu de divertissement et d’encanaillement, et centre de vie pour de nombreux artistes, de Toulouse-Lautrec à Erik Satie, ou encore Émile Zola. Le célèbre cabaret du « Chat Noir » est un repaire de chansonniers irrévérencieux et de caricaturistes qui diffusent en toute liberté une culture subversive. L’art de l’affiche monte au plus haut. « Décadents » et autres « Incohérents » font entrer la parodie dans le domaine des Beaux-Arts. Critique de la rationalité de la IIIème République et rupture définitive avec le naturalisme.
A Bruxelles, le monde de l’art est aussi en effervescence, principalement autour du Symbolisme et du groupe belge des Vingt qui entretient des liens étroits avec Paris. Association polyvalente, regroupant des personnalités artistiques progressistes, désireuses d’impulser un renouvellement de l’art. Bruxelles devient une capitale majeure de l’art.
Jusqu’au 4 janvier 2026 – Palais Lumière – Evian (74)
En Une : Alphonse Osbert – Rêve du soir – 1901 – Huile sur toile – Collection privée – Photo Michel Elsevier Stokmans