« La peinture en scène »
L’exposition « La Peinture en scène » proposée au Centre de création contemporaine Olivier Debré (CCC OD) à Tours est consacrée aux rideaux de scène conçus par Olivier Debré (1920-1999). Grand nom de la peinture abstraite et reconnu sur la scène artistique dès l’après-guerre, ami de Hans Hartung, Pierre Soulages, Michel Atlan, exposé dans les musées du monde entier, Olivier Debré a toujours recherché des modes d’expression artistique dégagés de toute contrainte figurative, et privilégié la spontanéité du geste et la libre circulation de la couleur.
En 1985, sollicité par Jack Lang, ministre de la Culture, il réalise le nouveau rideau de scène de la Comédie-Française. Après plus de trente ans de service, la restauration-réinstallation du prestigieux rideau donne l’occasion de se pencher sur cette commande et dans les archives. La recherche a été élargie aux trois autres créations de rideaux de scène, le théâtre des Abbesses et les opéras de Hong-Kong et Shanghaï.
L’exposition est présentée dans la « galerie noire » du Centre pour mieux évoquer l’atmosphère de théâtralité inhérente au rideau de scène. Pour des raisons techniques, le CCC OD ne donne à voir aucun des rideaux dans son entier, mais la presque intégralité des très nombreux travaux préparatoires, maquettes et esquisses, qui illustrent les processus de création, les caractéristiques et les disparités propres à chacune des commandes, ainsi que la richesse plastique de l’œuvre.
« Un rideau de scène, c’est un grand objet qui a la fonction symbolique de lancer le spectacle, et il y a de plus le poids de la tradition du théâtre classique incarné par le théâtre de la Comédie française. » explique la commissaire Marine Rochard. Ce type de projet, même pour un artiste habitué aux commandes d’envergure, est un immense défi à relever.
Pour le seul rideau de la Comédie-Française, une centaine d’esquisses ont été le prélude de l’œuvre finale, et concernent les trois éléments constitutifs du rideau : le rideau d’avant-scène (toile souple), le rideau de fer (élément rigide anti-incendie) et le lambrequin (partie supérieure fixe et arrondie).
Il s’agit bien de peintures apparentées à la production d’Olivier Debré. Pour les besoins spécifiques, les huiles sur toile sont contrecollées sur du contreplaqué, formats allant de 10 cm à un mètre de hauteur. Pour passer à une taille monumentale surdimensionnée, l’artiste a trouvé des techniques adaptées : muni d’un balai-pinceau, il travaille sur une immense toile posée à même le sol. Il marche à travers sa propre création, amplifiant le geste au-delà des limites de son propre corps. « Il faut s’entraîner à démultiplier la sensation, à dédoubler la conception que l’on a de l’œuvre à accomplir ». Photos et vidéos, impressionnantes, permettent d’appréhender les difficultés du passage du « prototype »au format d’une prestigieuse salle de théâtre.
Dans le cadre de cette commande, Olivier Debré, fort de sa formation d’architecte, s’intéresse à la façon dont l’œuvre d’art prend place dans un espace donné. Il se documente sur l’univers du théâtre et observe motifs et drapés en trompe-l’œil des rideaux anciens. La composition du rideau de la Comédie-Française, par le jeu de délicates touches de couleur tranchant sur le rouge dominant, crée l’illusion de plis et de drapés sur les côtés. Par le subterfuge d’une échancrure bleutée au milieu, le rideau semble prêt à s’ouvrir « à l’italienne », de part et d’autre de la scène, alors qu’en réalité, il monte verticalement, « à l’allemande », entre les cintres.
Pour le théâtre des Abbesses (1996) situé sur la butte Montmartre, Olivier Debré est intervenu sur l’ensemble des parois de la salle de théâtre et sur le rideau. Des panneaux muraux décoratifs se dirigent en virgules et convergent vers le centre de la scène où le rideau se déploie dans des tons rouge et rose.
Pour l’opéra de Hong-Kong (1989), Olivier Debré est parti se documenter en Chine afin de saisir les fondamentaux culturels du pays ! Il a opté pour la couleur jaune doré de la couleur impériale. A Shanghaï (1998), l’œuvre est caractérisée par des contrastes colorés exubérants et une composition gestuelle dynamique. C’est la dernière grande création de l’artiste. Le photographe Marc Deville, qui l’a accompagné dans ce voyage, a réalisé une émouvante et riche série de photos témoignant de l’ensemble du processus de création.
De la Donation Debré de 2008 est né le projet du centre de création contemporaine, le CCC OD. L’accueil d’un fonds historique au sein d’un centre d’art contemporain est une singularité féconde qui permet d’établir des passerelles entre création d’hier et d’aujourd’hui.
La ville de Dinard organise aussi une exposition exhaustive qui explore l’œuvre des années 1950 jusqu’à l’abstraction chère à Olivier Debré.
Jusqu’au 2 novembre 2025
Centre Olivier Debré Jardin François Ier – Tours (37)
En Une : Rideau de scène de la Comédie-Française après sa restauration par l’atelier Marc Philippe ©Vincent Royer:Open up Studio
