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On en parle

Najah Albukai, son indestructible humanité !

Christian Noorbergen, le 1 mars 2021

Dans une prolifération graphique d’une extrême liberté, dans un espace envoûté toujours clos, s’agitent à vif les esquisses affolées des victimes du monde. Najah Albukai ne craint pas la ténèbre, il l’envahit.

La base de l’œuvre est essentiellement graphique. Le dessin est féroce, acéré, durement inventif, véritables flashes éparpillés dans un espace d’une profusion et d’un poids obsessionnels uniques. Et les barrages de la culture cèdent devant ces présences saccagées, emplies des éternelles obsessions du souterrain humain. Surgissent des existants terribles en forme d’esquisses hallucinées, androgynes des origines, à l’indifférenciation brutale, traces humaines qui tressaillent dans la nuit. Actes d’art de mémoire s’étreignent. Formidable témoignage. Najah Albukai, bien au-delà de l’art engagé, bouleverse l’illustration identitaire, et creuse l’opacité à coups de dessins nus. Goya n’est jamais loin.

L’œuvre embrasse la nuit, la boue humaine et les confins maudits de l’humanité. Insoutenable face à face, par quoi le sublime de l’art dépasse le regard mortel. L’espace tout entier est pris dans l’étau du temps bloqué de l’horreur et de la désolation. Défense de l’homme innombrable et souffrant. « Mes premiers croquis sont faits à l’arrache, vite faits, pour garder cette mémoire. » Véritable santé mentale de qui a osé affronter les drames vécus en un face-à-face effrayant de puissance et de dénuement. Art d’exorcisme, pour surmonter l’impensable des épreuves.

Cependant Najah Albukai met de la distance dans ses dessins, et de l’absolue compassion. Malgré l’abandon, les corps sont animés, les formes humaines se mêlent en un sidérant magma organique et vibratile. Il joue du oud. Il n’abandonnera jamais l’encre et le crayon. L’humanité, pour lui, est indestructible.

Jusqu’au 3 avril 2021
“Ombres d’hommes” Najah Albukai & Alizera Shojaian
Galerie Depardieu – Nice (06)

Jusqu’au 30 avril 2021
“Tous témoins”
Galerie Fait & Cause – Paris 4ème