Photographe professionnel depuis 1998, Michel Gantner s’est adonné à la capture du monde végétal produisant un travail d’orfèvre qui a séduit jusqu’au Japon… Flânant à la National Gallery de Londres en 2015, il s’amuse du regard porté par les visiteurs sur les œuvres du musée et s’étonne du dialogue qui peut parfois naître entre le badaud et le tableau ! Une couleur, une posture, un geste, un contraste, une action en réaction ou en communion avec l’œuvre présentée, ce sont ces petits détails qu’il saisit et surprend, amusé et malicieux.
C’est ainsi que naît la série Muséal, 128 clichés réalisés entre 2019 et 2021 dans cinq grands musées, occasion pour lui de composer ses propres toiles de maîtres du XXIème siècle ! Posté à l’arrière-plan des salles de musée, il observe, patiente, à l’affût du cliché à immortaliser. Son intention est de surprendre le lien qui pourrait unir le visiteur de notre temps, entrant en scène devant ou en communion étroite avec le(s) personnage(s) des peintures dont le spectre balaie quatre siècles d’histoire, du XVIème au XIXème siècle…
Si les photographies sont retouchées, en revanche la spontanéité et l’authenticité des instants saisis sont toutes naturelles. Louis Le Nain est une véritable invitation pour les visiteuses à se mettre en scène dans ses tableaux : ici une élégante chapeautée dans “La Tabagie”, là une jeune femme au chemisier de blanche broderie dialoguant avec les protagonistes de “La réunion des amants artificiels”. Parfois c’est la texture des étoffes ou de la chair qui se joue de nous : le voile d’une spectatrice se confond avec le rose du suaire du Seigneur dans “L’agonie du Christ au jardin des oliviers” de Charles Timbal à la teinte près, tandis que l’albâtre des corps se fond à l’unisson entre cette jeune visiteuse aux épaules dénudées et “L’odalisque allongée” de Benjamin-Constant.
Certains monuments de la peinture paient quant à eux le lourd tribut de leur renommée telle “La liberté guidant le peuple” de Delacroix, prise d’assaut par-delà les barricades par des hordes de touristes brandissant, en lieu et place du drapeau aux couleurs de la Nation, leur smartphone avide d’immortaliser ce moment. En d’autres circonstances, ce sont de purs instants de poésie ou d’humour qui s’offrent à nous : “Un ouragan” d’Emile Breton, tableau in situ des collections du Musée d’Arras, est l’occasion d’un clin d’œil facétieux : quand la posture de l’arbre tourmenté, ployant sous le souffle démoniaque d’un vent fou, fusionne avec la fourrure du même ton de la capuche de la visiteuse fascinée. Ses cheveux décoiffés rehaussés de mèches blanches sont parfaite réponse aux nuages laiteux grondant d’une grise colère.
Michel Gantner réinvente le tableau dans le tableau, mixant peinture classique et photographie contemporaine. Mieux encore, il prouve que l’on peut aujourd’hui “prendre le temps de”, par une mise en abime judicieuse du visiteur de musée en contemplation posé devant les chefs d’œuvre d’antan et celui venu voir son exposition, s’arrêtant, conquis par le surprenant aller-retour instauré, l’humour des situations, l’instant de grâce saisi à vif ! Une visite au musée pas comme les autres !
Jusqu’au 5 juillet 2023 – Musée des Beaux-Arts d’Arras (62)
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