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On en parle

Marine Mangenot, quand l’art fait du bien

Gersende Petoux, le 24 novembre 2023

Silhouette menue, visage doux, voix posée et détermination ferme, Marine Mangenot inspire le calme et la sérénité. Rendez-vous est pris au Centre Oscar Lambret (COL) de Lille en cancérologie pédiatrique, service qu’elle a rejoint en 2013. Par souci de liberté et parce qu’elle y trouve équilibre et harmonie, elle partage sa vie professionnelle entre l’art-thérapie, au COL et en résidences autonomes pour personnes âgées, et le métier d’éducatrice spécialisée.

Dans art-thérapeute, il y a le mot “thérapeute”, ce qui se passe avec l’intéressé reste donc sous seing privé, en toute discrétion et confidentialité. Libre à chacun de communiquer autour de son travail, mais Marine Mangenot réfute toute publicité et communication rendue publique autour de certains patients au motif que chaque individu est unique. Ce qui se passe dans la salle d’activité dévolue à cet effet ou dans les chambres des petits patients n’appartient qu’à eux, et le point de départ de toute séance réside dans leurs besoins exprimés.

Si Marine s’inspire de divers courants et méthodes, elle revendique son intérêt majeur pour une approche systémique, accompagnant non seulement les enfants injustement atteints mais aussi leurs petits frères et sœurs. A ce titre, “Domino a un frère gravement malade” est né d’un appel à projets de la Fondation de France, en réponse à un drame personnel. Ce joli livre illustré par Odile Santi témoigne de l’importance de ne pas négliger la souffrance de nos proches lors de telles situations et les séquelles irréversibles stigmatisant les cœurs et âmes, même quand une heureuse guérison inverse le cours du drame. Domino et son frère danse sous le ciel étoilé Van Goghien d’une chambre soudain magnifiée, où cathéter et perfusion ne sont plus entrave mais entrent dans la ronde !  Soutenu financièrement par l’association “le 111 des Arts” dont le salon se tenait fin septembre à la Halle aux sucres de Lille, ce livre fut l’occasion pour Marine de collaborer et notamment animer des ateliers in situ.

Marine Mangenot, Odile Santi – Livre “Domino a un frère gravement malade”

Sa pratique artistique est double : impressive, elle s’attache à une expérience plus sensorielle, telle l’écoute musicale ou la contemplation d’œuvres d’art ; expressive, elle prend la forme de journal créatif, carnet de deuil, pratique de l’aquarelle ou de modelage, etc. Au départ, un conte, une histoire. Naît alors un joli moment que Marine propose avec son chariot magique aussi lourd que bien achalandé ! Spontanéité et désir de créer dominent, magie de l’enfance oblige. Si le corps des petits patients concentre l’intérêt du spectre médical, Marine considère que chaque séance est unique et appréhende autant la personne et son parcours de vie que son entourage. 

Elle s’intéresse également à la spiritualité au travers d’une réflexion et d’un questionnement sur la mort et sa représentation dans l’art. La question de la trace et de l’héritage laissé à autrui traverse les plus jeunes esprits et la poésie par-delà la souffrance et la tristesse sont au rendez-vous : l’un considère la mort comme le départ d’un bus pour un long voyage où tout le monde se dirait au revoir et non adieu, l’autre comme un avion mystérieusement disparu dans le Triangle des Bermudes, un territoire aux pouvoirs magiques, théâtre de disparitions dont on ne revient jamais…

Marine Mangenot travaille également avec les personnes âgées, notamment lors d’ateliers sur l’arbre de vie. Ici des dessins où nos membres deviennent arborescence et déploient la majesté de leurs ramifications. Là des arbres dignes d’une énigme du sphinx représentent les strates de notre existence, des racines de notre passé aux branches touchant le ciel de l’avenir et profondément arrimées au tronc de notre présent. Ces mains parcheminées sont joliment créatives ! Autre champ d’exploration symbolique, la maison des souvenirs représentation de notre existence où chaque pièce, chaque niveau est une étape de notre vie, du socle de notre enfance que sont la cave ou le rez-de-chaussée, jusqu’au grenier de la maturité où s’accumoncellent les souvenirs !

Puisque nous ne nous résumons pas à une enveloppe corporelle et sommes bien plus que de simples êtres de chair, de sang et de cellules, Marine Mangenot nourrit les imaginaires, pansemente les bobos des fratries, tente de faire oublier le temps d’une séance bénie peines et douleurs… L’art au service des autres, pour faire le bon et le bien !

En Une : Marine Mangenot