Dans la superbe galerie Arts Factory, à Paris, Margaux Salmi, après avoir enchanté l’Abbaye d’Auberive en 2020, mène à chaud l’inavouable combat de l’être avec ses sources oubliées et agissantes, toutes enfouies au profond, et ici brutalement surgissantes. Imaginaire chaotique, fantastique, charnel, somptueux et toujours flamboyant. La fulgurance chromatique et l’invention graphique oxygènent son vaste territoire de création.
Les sources de l’art aigu de Margaux Salmi, saisies à son adolescence, relèvent de l’expressionnisme des origines, celui de Munch, d’Egon Schiele, de Kirchner ou d’Otto Dix. L’art pluriel, hétérogène et foisonnant de Margaux Salmi, très jeune artiste à l’étonnante maîtrise, est troublant, poignant et soignant. Chez elle, création et autocréation vont de pair, dans l’écriture sauvage d’une défiguration globale exacerbée. D’autant que chaque élément, intime ou grandiose, est parfaitement lisible, dans un magma de dessins déchiquetés, à la prolifération dure, pure et anarchique. L’œil vagabonde alors dans les désordres du sens, sans repère et sans certitude, sinon sous la présence dominante d’une figure de proue féminine, entité obsédante et métamorphique, scabreuse et saisissante. Autoportrait en sainte, en victime, en survivante, en princesse déchue, en magicienne intemporelle. Inguérissable éternelle enfance, en règne d’implacable survie. En théâtralité souveraine. Dans les dedans du dedans.
Fiévreuses sources graphiques, nées lointainement de la bande dessinée, et d’une écriture libertaire à hauts risques, à la limite de la fournaise plastique, et dans une effervescence tragique. Une dramatique féerie envoûte l’étendue dans le fondu lancinant d’une chromatique rose/rouge. La chair, parfois sanglante, circule à vif dans ces veines créatrices.
Margaux Salmi bouleverse l’ordre établi du visible. Elle dessine à l’arrache, brouillant les cartes de la vie et de l’intellect, et la pure frontalité de ses peintures impose un implacable face-à-face, quand tendresse et cruauté s’étreignent sans fin et sans limite.
Jusqu’au 7 octobre 2023
Galerie Arts Factory – Paris 11ème
En Une : Lapin bleu – 2023 – Technique mixte sur papier – 65×50 cm
