Lionel Sabatté – « Pollens clandestins » à Chambord
Chantal Vérin, le 1 juin 2023
« La Dame du Lac », splendide et grandiose chouette dressée sur le bord de l’étang des Bonshommes dans les bois du château de Chambord, incarne à elle-seule la dimension, la philosophie et la réflexion des créations de Lionel Sabatté.
Forme hybride, elle observe de toute sa hauteur la nature environnante, pouvant abriter dans son corps-caverne une créature vivante, homme ou animal. Essentielle dimension écologique par l’emploi de matériaux pauvres, fer à ciment, béton, filasse, que le recyclage anoblit, et par le rapport fusionnel de l’humain à la nature. La chouette, figure principale du bestiaire de l’artiste, apparaît également, perchée sur chacun des « vingt-neuf Champsd’oiseaux« . Occupant les jardins à la française, elle regarde alternativement du côté du château et de la forêt. Sortes de totems en bronze plantés selon une disposition semi-hasardeuse autour du mât principal de 9 m de haut, les oiseaux incarnent au sommet la jonction entre les règnes humain et non-humain.
Lionel Sabatté œuvre à partir de l’informe, de la corrosion et de matières comme la rouille et la poussière. L’usage de matériaux-rebuts est une constante : morceaux de peau sèche, ongles, tels qu’on avait pu les voir dans la grande « Membrane » translucide exposée en 2021 au Musée de Saint-Etienne, cheveux et poussières ramassés dans l’une des stations de métro les plus fréquentées et les plus sales de Paris. Tout cela a donné lieu à la création d’une « Meute » de loups », présentée en 2011 au Museum national d’histoire naturelle, et montrée à nouveau, tout aussi impressionnante, dans l’une des salles du château de Chambord.
« Pollens clandestins », tel est le titre de la nouvelle exposition ouverte jusqu’à l’automne, dans le château et dans le domaine. Lionel Sabatté, à la suite de quelques célèbres artistes, dont Lydie Arickx, François Weil ou Philippe Cognée, a été invité pour une résidence suivie d’une importante exposition. Les 150 œuvres réparties entre château, jardin et parc (sculptures, dessins, et surtout peintures), conçues pour la plupart in situ, évoquent le dialogue de l’artiste avec la matière plurielle du vivant.
Le « pollen », dans le sens des naturalistes du XVIIIème siècle, est une poussière fécondante, et non pas la saleté, et son recyclage devient geste artistique. Dans les tableaux, à la surface des toiles sur lesquelles Lionel Sabatté a projeté de la poussière, les pollens deviennent pourvoyeurs de vie et de renouveau. A partir de photographies faites par l’artiste à la lisière du bois ont été tirées des empreintes photographiques rehaussées avec la poussière du lieu. La poussière devient alors la force et la révélation de la photo. Transformation, transfiguration que l’on retrouve dans la « Salle deschrysalides« . Six toiles somptueuses intègrent un amas de tissu, souvent central, soieries colorées récupérées, évoquant parfois une silhouette de cheval en mouvement, parfois une créature métamorphique.
Le Château de Chambord, espace de circulation des idées de la Renaissance et de l’Humanisme, a inspiré l’artiste avec bonheur.
Beau catalogue, préfacé par Pierre Dubreuil, directeur général du Domaine national de Chambord, avec une contribution de Yannick Mercoyrol, commissaire de l’exposition.
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