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On en parle

Lionel Guibout – Ou l’énergie des naissances premières

Christian Noorbergen, le 19 juin 2020

Art aigu, acéré, en calligraphies d’étendue, visible dans le superbe Espace Krajcberg. Lionel Guibout, qui fut l’élève d’Alechinsky, s’empare de la nature par tous les bouts. De chromatiques splendeurs, très subtilement retenues, voire étouffées, implosent lentement dans un espace ultime, intime et aéré. Des pans de nature première, intemporelle et dépouillée comme un puzzle d’immensité, maintiennent intactes les tensions qui font la vie, et reconstruisent indéfiniment l’univers.

2013 – Spring – 153×81 cm

Dans une nature possiblement hallucinée, en constante germination, on voit les arbres comme des veines humaines, et des corps nus embrassent l’écorce et la peau des branches. Lionel Guibout, qui a illustré William Blake, Henri Michaux ou Michel Tournier, féconde le chaos d’origine. Il déshabille la nature de ses oripeaux attendus, et, secouée au dedans, elle tressaille. Structures charnelles et textures végétales s’étreignent en entrelacs fulgurants. Coulées de sève vitale au cœur d’une formidable incandescence picturale. Chocs constants de conscience vitale. On dirait chez lui que la végétation, archaïque et luxuriante, dissimule des secrets que le peintre tente sans cesse d’arracher. Mais le mystère subsiste, celui toujours latent du corps-univers. La nature est une barrière infranchissable, un miroir aveugle, une falaise à vif au bord du vertige. Il n’y a jamais de blocs, jamais de centre, mais un fabuleux et constant grouillement labyrinthique de forces naturelles à l’état brut. Dans l’énergie des naissances premières, où se corrode toute surface.

2013 – Automn – 153×81 cm