Toujours en pleine bourre, Aïni, et sous l’emprise fiévreuse de la grande matrice, l’accoucheuse de tous les mondes. Ainsi surgit sa dure peinture des origines, entre ciel et chair. Tout part du centre immense de la vie grouillante et plurielle, d’où viennent toutes les naissances.
Ainsi, exubérant prodigieux, Aïni l’hétérogène s’arrache à la grisaille.
L’animisme magique d’Aïni, entre transe et dérision, est saisissant et grotesque, sacrificiel, ironique et jouissif. Le corps aïnien s’est débarrassé de la chair inutile et flasque, aux boursouflures pesantes qui s’abîment au-dedans, pour se lancer à l’assaut du ciel.
Dans cette peinture d’étreinte toujours en saillie, Aïni, inarrêtable boute-en-train, s’arrime aux racines archaïques du monde, quand il s’agit d’atteindre enfin, par les corps étirés, tous les bouts de l’univers. Et, comme de vains tentacules, ces bras si fins, squelettiques membres d’amour avides de vie, étreignent le vide absolu qui sépare les corps. Inaccessibles sont les marches de l’infini.
Chez Aïni, la finitude souffre, et son hilarité paillarde exacerbe sa création. Son art est plus vif que la détresse, et s’il crucifie la tendresse, sa formidable créativité éveille le chaos sublime qu’il tient dans sa poigne.
Il y a 7 ans, notre homme achète une énorme coopérative fermée depuis 15 ans : Coop Art. Travaux dantesques. Il enlève lui-même 50 tonnes de ferraille, fait presque tout seul. Au final, un superbe espace d’exposition d’une superficie totale de 3000 m2, devenu un lieu d’art majeur en France. Au début, il n’y avait que des femmes, de Lydie Arickx à Simone Picciotto. Outre ses propres œuvres, on y voit des artistes connus et des moins connus, tous excellents, de Christoforou à Lindström, de Rigal à Vladimir, l’éveilleur d’Étain.
Philippe Aïni expose tout l’été à l’Abbaye d’Auberive. Rétrospective d’environ 120 pièces, dont 20 monumentales. Sa fille Line Carré, elle-même créatrice, y dispose d’une salle entière. Dans l’Abbaye, d’autres monstres d’art, de Pierre Bettencourt à Roger Decaux, sont également bien présents.
En Une : La canopée – 2022 – 183×237 cm
Rétrospective Philippe Aïni – Jusqu’au 24 septembre 2023
Centre d’Art de l’Abbaye d’Auberive (52)
Coop Art – Du 24 juin au 27 octobre 2023 – Servies en Val (11)
