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On en parle

Le vent – “Cela qui ne peut être peint “

Christian Noorbergen, le 16 septembre 2022

Si les artistes, naguère, pouvaient être dans l’obligation d’illustrer les codes culturels de leur temps, ils se sont peu à peu affranchis de ces impérieuses nécessités. La réalité extérieure – le visible et ses lois – est devenue miroir de création jusqu’à ce que la subjectivé (“Tout paysage est un état d’âme”, écrit le romantique Amiel) prenne le pas et libère les artistes. Ainsi est né l’art moderne.

Gilbert Garcin – Sauver la nature – Tirage argentique – 30×40 cm – courtoisie Galerie Camera
Obscura, Paris© Gilbert Garcin/Galerie Camera Obscura, Paris

Restait à peindre ce qu’on ne voit pas, et à le suggérer. Tel est l’enjeu de la très riche exposition du Havre. Le vent – que l’on entend et qui frappe les sens – fait bouger les choses de l’art et de la vie. Et l’émergence artistique du mouvement, qu’il soit lié aux activités humaines ou créé par la nature, fait parfaitement l’affaire.

Le vent peut être coquin, bienfaisant ou terrifiant. Il peut ainsi permettre l’exploration des aléas de l’existence, qu’ils viennent des dieux, de la nature ou de l’homme.

Ludolf Backhuysen (1630-1708) – Marine – Huile sur toile – 84,5×97,3 cm
MuMa Le Havre – Musée d’art moderne André Malraux
©MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn

Le vent est la figure invisible du destin que les artistes peuvent représenter. L’ordre du monde, comme le mental humain, est tout sauf statique… “On constate très vite, au Quattrocento, que les mouvements de l’air font partie intégrante des enjeux figuratifs des peintres comme des sculpteurs”, écrit Georges Didi-Huberman. Léonard de Vinci, plusieurs fois cité au Havre, consacre même plusieurs textes au vent !

Kees van Dongen – La Vigne – Huile sur toile – 1905 – 46×55 cm – Musée national Picasso-Paris,
Donation Picasso, 1978, collection personnelle Pablo Picasso
© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Mathieu Rabeau ©ADAGP, Paris, 2022

Au XIXe siècle les artistes quittent l’atelier et peignent dehors, éprouvant physiquement la force du vent. Tout alors s’enchaîne, et le cinéma viendra mettre un point final mouvant aux démonstrations des jeux ventaux.

 D’Alfred Dürer à Goya, de Victor Hugo à Monet, jusqu’à nos contemporains, comme Jacqueline Salmon, très présente dans l’exposition, ou Jeff Wall, l’exposition est remarquable d’ouverture aérée…

Belle, la part consacrée à Eugène Boudin, l’artiste de la région très ventée du Havre.

Jusqu’au 2 octobre 2022 – Muma – Le Havre` (76)

En Une : Jacqueline Salmon – Brise vent, quai Mazeline, Le Havre, carte des vents – Epreuve pigmentaire sur papier Japon, dessin à l’encre de Chine – 2016 – 95,5×83 cm © Jacqueline Salmon