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On en parle

L’art des monstres ou l’enchantement du visible et de l’invisible

Christian Noorbergen, le 12 novembre 2020

Nécessairement beaux, les monstres sont les surgissantes figures du réel. L’angoisse d’être, les tragédies du monde, et l’effroi sexuel les fécondent.

L’inconnu est leur territoire. Si la réalité, au fil du temps, ne se maîtrise guère – le moindre virus l’accable, elle reste une illusion, et l’univers maintiendra jusqu’à la fin des temps humains l’implacable présence de l’impensable.

Lydie Arickx – Colonne graphite

Toutes les mythologies du monde sont peuplées de monstres, frères d’altérité qui signent la distance entre les hommes et la nature, et d’autres écarts creusent l’abîme…

Aux violences de l’univers, répondent les violences symboliques et maîtrisées de l’art. Exorcisme de la création.

Hans Bellmer – Sans titre

Le monstre pluriel et polymorphique incarne la puissance inouïe des instincts et saccage toutes les fabrications du sérieux, des gargouilles médiévales aux dures créations contemporaines. Le chaos veille, et l’humain ne fait pas le poids devant la formidable énergie d’une nature à jamais incontrôlable, y compris dans les bas-fonds humains… 

Humberto Castro – Sans titre

Le monstre annule la perfection de l’ordre dit divin. Il vient de la nuit du cosmos, quand même il affronte les clartés du jour. L’espace où l’être monstrueux se défait du corps ordinaire est lourd de dangers latents.

Sandra Martagex – Metamorphosis – Encres, colle et pigments sur carton – 2020 – 14,5×16 cm

Tout l’art “monstrueux“ tient à cette capacité de rassembler brutalité formelle et pluralité de sens, voire de hors-sens libérateur, en une seule entité érectile, le monstre, sublime raté de la création, de Dracula à Trump.

Catherine Ursin – Mutatis Mutandis

Sismographe du dedans le plus intime, l’artiste expérimente la scénographie la plus crue de l’affect le plus agissant. Le monstre est son double, et le monstrueux son miroir.

Vladimir – Sans titre

Scabreux et sublime voyage dans l’inconscient, de Gérard Alary à Unica Zürn, de Lydie Arickx à Vladimir, de Sandra Martagex à Catherine Ursin

Unica Zürn – Sans titre

Ainsi, s’apprivoise le réel, et l’artiste est un sauveur fragile.