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On en parle

L’art aigu et sublime des fragiles

Christian Noorbergen, le 18 août 2022

Émouvante exposition, belle, dure, tendre, tragique, délicate, sensible et miraculeuse. Les créateurs ont été plus que cruellement touchés par la vie, très gravement. Il n’empêche ! Au-delà des blessures qui bouleversent leur corps et leur âme, ils créent ! Et l’exposition, âpre et saisissante au Jardin de Luxembourg, dans deux très grandes salles, touchera chacun au plus profond.

“C’est un cadeau de rires, de larmes, de feu, de sang” écrit très justement Bruno Gaurier, intervenant majeur de l’association. 

Catherine Semon – Sans titre

Formidable travail de l’Association APF France Handicap. Créée en 1933, ancrée dans la société, elle agit essentiellement pour le libre choix du mode de vie des personnes en situation de handicap. Mais ici, (l’exposition s’appelle  “L’art coûte que coûte”) il ne s’agit pas seulement de compassion, inévitable et nécessaire, mais d’abord de vrais regards sur de surgissantes beautés incarnées.

Sacha – Sans titre

Les créations montrées, réalisées au prix d’immenses difficultés, sidèrent d’abord par leurs qualités, dans la proximité globale de l’art brut et de l’art singulier. Sans l’aisance des “professionnels” du genre, mais avec une fraîcheur, une naïveté et une authenticité impressionnantes. Sous l’égide artistique de Joëlle Bécard, qui laisse toute liberté à ses apprentis créateurs.

Bari Abderhamann – Sans titre

Les marges de l’art bouillonnent d’étrangeté. Elles ne sont pas atteintes par le déjà des repères et des codes. Elles naviguent dans le salutaire no man’s land du hors-sens. Quand il y a trop de béton dans la culture, elles répondent par des charges préverbales où se bousculent les traces chaotiques de l’essentiel. Entre vie brève et folle santé. Œuvres fraîches, étranges et obsédées, incroyablement denses – ou légères comme le vent – où la vitalité de l’artiste troue le vide, et embrase l’inertie du quotidien. Un amour indifférencié et absolu traverse ces œuvres totémiques, une naïveté stupéfiée et un étonnement sans limites, que les richesses fragiles de la modernité ne pourraient jamais combler.

Jacqueline Berlin – Sans titre

Parisiens et Iledefranciens, ne ratez pas cette très surprenante manifestation d’art vrai. Ni les prochaines à venir. N’y allez pas lentement, il faut y courir. Entrée gratuite !

“L’art coûte que coûte” – Jusqu’au 22 août 2022
Orangerie du Sénat – Jardin du Luxembourg – Paris 6ème
www.apf-francehandicap.org

En Une : Joëlle Bécard devant quelques oeuvres exposées.