Lillois adopté, Jef Aérosol promène son allure de dandy chaussé de ses mythiques Beatle Boots sous la voûte majestueuse de l’Hospice Comtesse. Pour Jean-François Perroy, plus à l’aise avec la poésie, la littérature et la musique dès son plus jeune âge, endosser le costume d’un autre fut un refuge autant qu’un jeu de rôle, celui d’un amoureux inconditionnel des 60s.
Si le nom de Jef Aérosol évoque instantanément le pochoir et tout son art, envahissant les rues des villes du monde entier, il n’est point de Jef sans musique. Il l’écoute pratiquement tout le temps. Muse inspirante, amie sans concession ni trahison, “la musique est toute [sa] vie”. Peindre les chanteurs, illustrer les pochettes de disques et affiches de concerts, s’entourer de tous ces disques et instruments que ce soit pour en jouer, écouter ou rêver, la musique est partie prenante de sa création, une façon sûre de faire rentrer dans son atelier cet univers qu’il affectionne tant. Il leur rend grâce dans cette exposition avec un music corner évocateur et une bande son choisie égayant notre visite !
Pour quelques mois le musée de l’Hospice Comtesse présente une grande rétrospective de son œuvre, ou plutôt de ses œuvres, son parcours de vie. Une exposition conçue telle une déambulation urbaine, ponctuée de virages, de rues en dédale, de sons et musique, de sirènes et gyrophares, de détour dans son atelier reconstitué. Une balade au fil des années, des influences, des courants d’art en courants d’air du temps : ses premiers dessins, l’empreinte du surréalisme déclenchant des cadavres exquis, le “copy art” à l’heure où photocopieurs et polaroïds étaient les médiums les plus courants, puis, dès 1982, les premiers pochoirs, Jef Aerosol s’étant posé comme réel précurseur en la matière.
L’artiste aime Lille qui le lui rend bien ! En 2000 Pierre Mauroy lui confiait la carte de vœux du Maire suite à la rénovation de notre emblématique beffroi où ses œuvres siègent toujours. Jef nous confie avec humour que lors de l’installation de l’exposition actuelle, et plus particulièrement de sa célèbre flèche rouge sur le pignon côté jardin médicinal, un passant l’a apostrophé reconnaissant en lui le gars qui autrefois bombait les trottoirs et murs des rues piétonnes. Fidèle disciple des injonctions hiérarchiques, cet agent municipal discipliné se devait alors d’en éradiquer toute trace avec son Karcher maudit ! Jef Aerosol à ce sujet ne montre point d’amertume : “quand ça disparaît…ça disparaît”, évoquant avec poésie le vieillissement d’une œuvre et son délitement induit par le temps et les intempéries, un instant sacré empli de beauté et de grâce, celui du chant du cygne d’une création vouée à disparaître…
Nantais d’origine, il a choisi Lille comme port d’attache et en a connu chaque mutation et innovation : naissance de l’Aeronef, Art Point M, Braderie de l’Art de Roubaix, alors hébergée en ce lieu devenu par la suite le célèbre musée de la Piscine, FRAC anciennement lillois avant de devenir Grand Large en migrant à Dunkerque. De ses influences, il cite Rancillac, Fromanger, Messac, mais aussi Combas ou le collectif Bazooka à qui il emprunte un univers très coloré qui s’assagit au fil du temps, épure et simplification oblige. Ses couleurs de prédilection sont à présent les noir, gris et rouge, tandis que sa passion pour l’abstraction le conduit à soigner particulièrement ses fonds. Ils deviennent des œuvres à part entière en arrière-plan de sujets figuratifs qu’il lui plaît de détrôner au profit d’un équilibre : l’abstraction d’un fond en contrebalance de la figuration d’un personnage au 1er plan. “Quoi de plus hypnotisant en effet qu’une œuvre abstraite ?” questionne-t-il.
A propos de sujet, il est à noter son “Sitting Kid” inspiré d’une photo, petit personnage attachant qu’il appelle son “compagnon universel de voyage” au gré d’un tour de la planète. Autre emblème de son art, sa fameuse “Flèche rouge” se veut signature reconnaissable autant qu’”élément perturbateur” pointant notre regard là où il est en devoir de s’accrocher.
La chapelle clôture notre visite, accueillant pour l’occasion une installation monumentale de plus de 200 personnages “Lifesize” de tous horizons, âge, sexe, couleur de peau, anonymes ou célèbres, reproduits à l’échelle 1, bouquet final porteur d’un message d’unité et de diversité. L’artiste l’illustre avec une explosion de son, musique et jeu de lumières et montre ainsi son côté engagé et bienveillant en cet ancien lieu sacré. Clin d’œil amusé, le portail monumental de la chapelle est surplombé d’une madone porteuse de bombe aérosol, preuve que l’art est sacrément intemporel et universellement salvateur !
Jusqu’au 21 janvier 2024 Musée de l’Hospice Comtesse – Lille (59)
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