“Tailleur d’images“
Consacrée à l’artiste bourguignon Jean Dampt (1854-1945), la rétrospective du Musée des Beaux-Arts de Dijon met en lumière un artiste marquant de l’histoire de l’art, connu de son vivant, puis quelque peu tombé dans l’oubli. Avec quelque 160 pièces, le parcours de l’exposition s’appuie sur l’importante donation conservée dans les réserves. Il commence aux débuts bourguignons, creuse la période des grands succès autour de 1900, puis dégage une fin de carrière moins glorieuse marquée par la réalisation de monuments aux morts. La découverte et l’exploitation du fonds d’atelier par la conservatrice du patrimoine et commissaire Naïs Lefrançois, a permis d’enrichir la connaissance de cet artiste protéiforme grâce aux plâtres, effets personnels, correspondances et tirages photographiques.
Sur Le Portrait de l’auteur daté de 1905, bel autoportrait sculpté donné à la ville de Dijon en même temps qu’un ensemble de 24 œuvres, l’artiste se montre le visage incliné, appuyé sur son poing gauche fermé. De l’autre main, il tient ses outils de sculpteur, et fait émerger sa propre image d’un bloc à peine dégrossi, comme pour signifier l’articulation entre technique et pensée
Issu d’un milieu modeste, Jean Dampt doit ses premiers succès à des pièces de grand format, comme la commande d’une effigie de Charles-André Boulle pour l’Hôtel de Ville de Paris, mais il n’apprécie pas ce genre de travail. Auparavant, à l’École de Dessin de Dijon, il a réalisé des œuvres très réussies centrées sur l’étude du corps, et s’est fait remarquer au Salon de 1879 par sa sculpture Ismaël mourant de soif, qui inaugure sa prédilection pour les thèmes de l’enfance et des âges de la vie. Il excelle dans la représentation de jeunes enfants aux douces carnations, dont Le Baiser de l’aïeule, où se côtoient dans le même bloc de marbre vieilles rides et visage juvénile.
L’État lui passe des commandes, ce qui apporte un peu d’aisance financière et lui permet de voyager à travers l’Europe et le Maghreb, et d’installer un atelier à Paris, non loin de François Pompon qui travaille pour lui à plusieurs reprises. Excellent portraitiste, il réalise des bustes de personnalités du théâtre et de la musique. Il rencontre Diana Cid Garcia, qu’il épouse. Cette peintre argentine l’introduit dans le monde de la théosophie et du Symbolisme. Il explore alors le mystère de la mort, le monde de la nuit et du rêve, concrétisé par le bronze du Vol de la Chimère.
Il doit son succès non pas aux sujets qui restent convenus, mais à son goût pour les matériaux inédits. Ainsi la précieuse statuette de la Fée Mélusine et du Chevalier, inspirée d’une ancienne légende. La fée en ivoire, enlacée par le chevalier dans son armure métallique, souligne l’extrême virtuosité de son auteur. Et sa vive sensibilité.
Jusqu’au 9 mars 2026
Musée des beaux-Arts de Dijon (21)
En Une : Edmond Aman-Jean – Portrait du sculpteur Jean Dampt – ©CCO Paris Musées : Petit Palais-Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris