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On en parle

Je ne sais pas c’qui m’quoi

Christian Noorbergen, le 22 avril 2025

Essais sur Réquichot

La vie de Bernard Réquichot (1929-1961) est brève et immense. Éric Méchoulan lui consacre un fort livre, en arpentant sa vie et son œuvre inclassable, souvent présentée dans la belle galerie d’Alain Margaron, à Paris. Ce livre est une enquête magistrale sur celui qui disait qu’il fallait peindre « non pas pour faire une œuvre, mais pour voir jusqu’où une œuvre peut aller. »

La récente exposition de l’artiste au Centre Pompidou démontre en effet une très étonnante pluralité créatrice. Un grouillement fouaillé a lieu dans ses reliquaires bousculés. Comme si, dans ses foudroyantes apparitions, quelque chose avait été arraché du fond le plus secret de vibratile communes à tous les états du minéral, du végétal et de l’organique. Une nouvelle matière, vibratile et bouleversée, enfin mise à jour par la gigantesque intervention de l’artiste, vient crever les surfaces de l’art, comme si de solitaires îles psychiques traversaient l’opacité sans fond des origines pour éclater à la surface, immobilisées par l’air vide du dehors.
C’est cela que montre la subtile minutie de Réquichot : un documentaire impossible, la folle cartographie des noces initiales de l’être et du chaos, lorsque dans la matière informe naissent les prémices de la vie.

Le vide et la plénitude (la pure présence de ce qui éclate dans le visible), le surgissement quasi obscène d’une structure animale ou para-humaine (hors de toute scène admise) et la fluidité sublime des signes indistingués, jettent leurs taches et leurs couleurs d’instants disparus. Chaque contour devient fatal. Réquichot, le délivré vivant, impose à l’art une cure de vie et de vide.
Plus qu’Yves Klein, il joue sa vie mentale à saute-horizon.
Les reliquaires vus à Paris, à partir du vertige d’un monde crée autrement, éprouvent durement l’espace magique d’un art extraordinairement concentré. Leur vie ascétique élimine l’inutile. Réquichot s’est mis en travers…

Réquichot déjà pour demain. Jamais atteint par le déjà. Aux marges de l’art occidental, et dans le no man’s land du hors-sens. Dans l’irrécupérable. Œuvre vive qui s’entoure d’absence. Effaçant en elle ce qui gravite autour du trop visible, quand la présence du dehors éloigne le regard intérieur : Mais Réquichot va plus loin. Il regarde le vide pour avoir l’âge de l’univers.

Je ne sais pas c’qui m’quoi – Auteur Éric Méchoulan
280 pages – Galerie Alain Margaron & L’Atelier contemporain – 25 €

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