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On en parle

Jacques Rancourt, ou les traînes du regard

Christian Noorbergen, le 15 novembre 2019

Jacques Rancourt, né au Québec en 1946, vit à Paris depuis 1971. Poète, traducteur, essayiste, photographe et auteur d’anthologies, il a dirigé pendant plus de trente ans le Festival franco-anglais de poésie et la revue la Traductière. Auteur d’une quinzaine de recueils de poésie et autant de livres d’artiste, il expose à la Bibliothèque Gaston-Miron un très fin et très subtil ensemble de photographies, “La vie au sol“.

Jacques Rancourt n’a que faire des idéologies du ciel. Ses pas inventent lentement des territoires à regards dans le lit infini de l’horizontalité. La peau fragile et plurielle du dehors de la terre, est sa patrie, et le bas jamais piétiné ne sait faire bassesse. Appareil en scalpel, il a les yeux rivés au sol-horizon, dont il fait clairement partie. Plénitude de l’instant unique, dans l’ordre restauré de l’intime extrême jeté à terre, et presque invisible. Infinis sont les passages au pays des regards fragiles.

L’homme aux pas posés qui jamais n’écrasent, voit des secrets de pauvreté, des traces de presque riens, et des talismans abandonnés. Il dépouille le monde de ses pauvres certitudes. Il ne vit pas dans les arrêts du temps. Il est sans mémoire, sans source, et sans structure. A chaque pas en avant, nouveau regard, nouvelle naissance. Virtuose de l’hétérogénéité des champs sémantiques, Jacques Rancourt vagabonde dans les désordres du sens, et ses créations ténues s’opposent par son corps en mouvance aux corps statufiés des références mortifères.Des effigies d’infime nature, des reflets d’humaine cité, et des écritures de hasard portent l’énigme d’un univers oublié. Celui qui marche et regarde n’illustre aucun sacré préexistant, et par lui, la terre parle une langue oubliée des hommes. Jacques Rancourt crée de l’altérité visuelle à chaque regard à contre-ciel. L’état lacunaire et partiel du monde à sol, quasi détruit à l’instant de son apparition, prend vie dans chaque acte de création. Chez Jacques Rancourt, les saisissantes lacunes de l’ailleurs tout proche, une à une saisies, éblouissent l’espace.

A découvrir du 14 novembre au 5 décembre 2019
Bibliothèque Gaston-Miron – Université Paris III – Paris 5ème