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On en parle

Isabelle Malmezat – ses transparences vitales

Christian Noorbergen, le 4 décembre 2023

Isabelle Malmezat conjure à vif les mauvaises mémoires. D’inconnus paysages font chez elle territoire d’inquiétude. En vive humanité perdue, éperdue, elle invente d’obscurs élans souterrains, de subtils sillages d’êtres, des poussières d’âme, et d’étranges obsessions charnelles. Les éphémères entités passantes qu’elle crée, ses doubles fragiles et prodigieux, surgissent en fine et dure transparence. “L’homme est loin de lui-même“ dit-elle.

Pénétrables sont les voies de l’art, par tous les signes, les traits ou les couleurs. Si Isabelle Malmezat les utilise avec une vigueur retenue et une profondeur chromatique extrême, la musique a constitué pour elle, qui a pratiqué le chant et les percussions, la première approche de l’art vécu. Son père était violoniste, “la musique coulait dans ses veines. Il jouait en pleine nuit“. Famille idéaliste de musiciens professionnels, et les pieds toujours en plein ciel… Des hauts et des bas nombreux. “Ma mère déprimait faute de pouvoir nous offrir un avenir merveilleux. Des hauts et des bas. Elle est morte, j’avais 15 ans. Je me suis élevée, portée par la tribu familiale…“ Celle qui, hors la musique, dessinait tout le temps, se lance à fond en peinture, sans réel apprentissage, prenant des cours “qui ne lui ont rien apporté“. Mais de grands chocs d’art la secouent. D’abord les envoûtements verticaux de Tàpies, “qui vont dans mes fondements, qui me font être ce que je suis“. Pour les très vivants, Isabelle Malmezat cite Anselm Kiefer, Lydie Arickx, les Staelens, Michel Nedjar, et encore, et peut-être surtout, Marc Petit. “Chez lui, je vois ceux de ma famille, des gens bien, les plus humains qui soient. Ils me protègent. C’est dans les choses fragiles et blessées que je me sens le mieux. J’ai besoin de la faille. J’ai besoin de perdition pour peindre “.

Une très étrange lumière auréole l’étendue, nimbée d’opacité et venue des confins du réel. Immensité voyageuse, en transit dans les marges habitées de l’univers.

Jusqu’au 16 décembre 2023 – Galerie Sophie Lévêque – Verdun (55)