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On en parle

Invitations aux grands voyages

Christian Noorbergen, le 14 novembre 2023

Après dix ans de fermeture pour travaux de rénovation, le MIDAN, situé à Vicq dans les Yvelines, rouvre ses portes pour de grands voyages d’art sans frontière géographique ou mentale. Ce rare musée fête ses 50 années d’existence. Quand le magma humain sommeille dans les profondeurs bloquées, il y a des éruptions d’art qui creusent des trous dans la surface des choses. L’art dit naïf, sans menottes mentales, sans béquille idéologique, et sans carcan religieux, sert de nourriture crue aux faims essentielles, celles qui donnent envie de mordre dans les chairs de l’univers, et qui donnent à chaque être sa propre respiration. L’art fait ainsi paysage à nos affects.

Mihailovic DRAGAN

Pour fêter sa réouverture, le MIDAN, déployé sur 900 mètres carrés dans un bel écrin champêtre, montre 80 œuvres d’artistes (une cinquantaine !) du monde entier, du Canada au Brésil, de la Croatie à Haïti, ou encore du Costa Rica au Montenegro. Les arts premiers agissent en eux comme une formidable chirurgie d’âme. L’exposition, sous l’égide de Jeanette Zwingenberger, commissaire d’exposition éclairée et éclairante, est répartie en 4 sections complémentaires : le départ, les univers magiques, les paysages d’âme et l’Arche de Noé. Voyages pluriels, éclatés et libertaires.

Rita Loureiro – “Amazonie“ – 1982 – Huile sur toile – 80×100 cm

L’art naïf se caractérise par sa faculté à capter un monde irréel et onirique, symbolique et mystérieux. Ses récits sont régis par une innocence archaïque et l’émerveillement d’un regard ouvert et pur qui garde l’intime du contact avec les forces vitales qui se partagent l’univers.
Cet art-là est lieu d’intacte fraîcheur et de subtiles naissances au monde, d’empoignades avec l’univers et de combats pacifiques, de danses à poil et à cru, et de gais coïts avec le réel. Ces transmetteurs décalés disent l’animalité refoulée du corps et les élans piégés des racines de la vie. Œuvres en crue, emplies de sécrétions vitales et de matières vives créées à grands traits de cultures fracassées, et jetées sur la surface frêle du papier, sur du sable ou de vieux chiffons… Un amour indifférencié traverse ces œuvres totémiques, une naïveté stupéfiée, un étonnement sans limites. Émerveillement d’être, en faisant apparaître….

Jean-Louis Senatus – “Et Dieu créa la ville“ – 61×46 cm – Haïti

Jusqu’au 31 mars 2024
Musée International d’Art Naïf – Vicq (78)

En Une : Ljubomir MILINKOV