Alors que la canicule brûle l’asphalte des Hauts de France, je rencontre enfin Corinne Billy pour cette exposition phare qui, à l’instar de l’été, touche bientôt à sa fin : “Univers” au Moxy de Lille. Elle y partage les lieux autant que l’affiche avec Râm Perry que la magie de Noël lui fit rencontrer sur un marché du même nom par des températures négatives, preuve que notre climat est à la distorsion.
Une robe jaune poussin sur une silhouette gracile, Corinne est solaire et passionnée, l’exemple même d’une femme aussi comblée qu’épanouie sachant transformer écueil et meurtrissure de l’existence en bifurcation soudaine. Car d’inspectrice des impôts à céramiste engagée, l’espace n’est pas si vaste. Logique pour celle qui porte la bannière étoilée du cosmos, revendique l’alignement des planètes de son existence et façonne des assiettes symboliques en grès de l’infiniment grand à l’infiniment petit !
Une enfance heureuse dans un grand jardin révèle son appétence pour les sciences, l’observation et l’expérimentation. Le carcan scolaire d’un système éducatif encore psycho rigide à l’époque ne lui permet pas d’embrasser une carrière scientifique. Qu’à cela ne tienne, Corinne prend aujourd’hui sa revanche ! Elle irradie littéralement en dévoilant les arcanes de sa création artistique où le cosmos, le corps, l’organique, la physique, les minéraux et atomes sont autant de leviers et sources d’inspiration !
La perte douloureuse et irremplaçable de sa maman dont elle cueillit le dernier souffle de justesse, traversant océans et continents pour l’accompagner en cet ultime voyage, est sans nul doute le catalyseur de sa nouvelle vie, son chemin initiatique. Après deux ans d’Ikebana où l’art séculaire du bouquet la connecte à ses fleuristes de grands-parents, elle réalise soudain que du contenant au contenu la frontière est ténue. Corinne renoue alors avec la céramique, découverte pendant ses études de droit, et s’initie aux techniques de l’estampage, l’enfumage, la cuisson primitive. Elle se forme au travail du grès et de la porcelaine deux années durant avec la céramiste nordiste, Virginie Besengez, aujourd’hui heureuse reconvertie en cheffe cuisinière indépendante à Wambrechies, preuve de nos vies multiples… Notre artiste tâtonne, expérimente, crée son propre langage et voit évoluer ses œuvres au gré de ses sujets de prédilection.
“Je m’imprègne de tout ce que je vois” déclare Corinne, fascinée par les neurosciences. Un cerveau met ses tripes à l’air, rappelant que nos intestins en sont le deuxième siège ! Un vase tout en ventricules et orifices d’aorte et autres veines symbolise cet organe précieux qu’est notre cœur. Puisque la vie dans la forêt est connectée par la fameuse symbiose mycorhizienne, Corinne fait rimer arbres et champignons, preuve que collaboration et solidarité ne sont point de vains mots chez Dame Nature !
Les céramiques de Corinne ne sont pas qu’un travail esthétique et artistique, alliant manuel et technicité : labyrinthe, cosmos, trou noir, physique quantique, ondes, vibrations, tout est sujet et propice à donner un sens. Corinne “marie les contraires”, comme elle aime le dire, explore notre univers autant que les menus atomes de notre corps, toujours en quête d’équilibre et de meilleure gestion de ses émotions. Fascinée par l’œil-capteur d’images et la pupille, dont la variété dans le monde animal reflète celle de nos points de vue, sa vision du monde oscille du visible à l’invisible… Elle pare ses globes oculaires de cobalt, chrome, manganèse, fer et autres minéraux, tous présents dans la nature mais aussi composants de notre corps, preuve que tout ce qui est à l’extérieur est aussi à l’intérieur de nous.
A l’heure de la transversalité, Corinne parle de notre monde autant que notre individualité, du corps et des émotions, de mental et spiritualité. Elle joue les apprenties chimistes et physiciennes avec passion sans oublier ce qui l’anime avec ferveur : l’humain, les rencontres et la transmission grâce à son rôle d’animatrice à la MJC de St Saulve, à côté de Valenciennes. Cette exposition au Moxy de Lille lui aura permis d’exposer pour la première fois ses céramiques aux côtés des photographies aux courbes rondes de Râm Perry, alias Pierrick Lafages, dont elle partage le goût du voyage, intérieur autant qu’extérieur, et l’intérêt pour les civilisations et leurs contrastes. A suivre lors d’une rencontre prochaine avec cet étonnant photographe et baroudeur…
Jusqu’au 17 septembre 2023 – Moxy – Lille (59)
