Si les artistes « Nabis », parmi lesquels Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis et Félix Vallotton, sont largement connus pour leurs peintures et décors, ils excellent aussi dans l’art de l’estampe. Ce courant artistique qui se déploya pendant une dizaine d’années, de 1890 à1900, a donné lieu à une production abondante et diverse d’images imprimées. À travers quelque 200 documents, estampes artistiques, affiches, illustrations, programmes de spectacles, en grande partie issus du fonds du département des Estampes et de la Photographie de la BnF, l’exposition « Impressions Nabies » met en lumière cet aspect moins connu des Nabis.
Dans une première section à vocation pédagogique, le visiteur est invité à découvrir leurs procédés d’impression, telles la lithographie et la gravure sur bois. Les artistes du mouvement ont su explorer ces procédés d’une façon novatrice, d’une part pour des artistes encore jeunes pour se faire connaître, et d’autre part dans le but d’intégrer l’art à la vie quotidienne et le rendre accessible au plus grand nombre. « Notre génération a toujours cherché les rapports de l’art avec la vie », dit Pierre Bonnard, l’un des principaux protagonistes du groupe qui avait choisi le surnom de « Nabis » (prophètes en hébreu) pour manifester leur ambition de renouveler l’art de leur temps. Si l’estampe japonaise est souvent une référence initiale, chaque membre du groupe s’approprie à sa manière les techniques d’impression. Édouard Vuillard explore les ressources du noir et blanc, quand Pierre Bonnard et Maurice Denis préfèrent l’impression en couleur et osent des recherches chromatiques inédites et des cadrages audacieux. Félix Vallotton et Aristide Maillol manifestent plus d’intérêt pour la gravure sur bois.
Très vite, grâce à la collaboration d’imprimeurs et d’éditeurs, qui diffusent leur art à travers des revues littéraires comme l’avant-gardiste « Revue blanche » créée en 1889, et surtout grâce à l’engagement du marchand d’art Ambroise Vollard, les Nabis jouissent du statut original de peintres-graveurs. Ils font preuve d’une infinie créativité dans des domaines variés et d’une totale liberté en s’affranchissant de la hiérarchie entre les beaux-arts et les arts décoratifs. Illustrations de textes poétiques, créations de décors et de costumes de théâtre, affiches publicitaires apposées à la vue de tous dans les rues, voire projets de papiers peints d’intérieur, tout leur convient. Maurice Denis, en illustrant le Voyage d’Urien d’André Gide jette les bases du « livre de peintre » en participant à la conception du livre dans une recherche d’harmonie entre le texte et l’image. Les Nabis reçoivent des commandes d’estampes pour des recueils de poésie (Verlaine, Mallarmé), des en-têtes de revues ou des programmes de spectacles. Les cafés-concerts et autres lieux de divertissement populaire en vue sollicitent leur contribution pour illustrer programmes et partitions de chansons.
Ambroise Vollard commande à plusieurs artistes les « Suites », monographies de 12 planches, et contribue grandement à leur notoriété.
« Quelques aspects de la vie de Paris »de Bonnard évoquent le monde urbain, son foisonnement de petits marchands et de petites gens, comme « La Petite Blanchisseuse » à la silhouette épurée, la nouveauté de l’éclairage urbain, tandis que Vuillard préfère représenter ses proches dans leur intimité. Maurice Denis, le « Nabi japonard », célèbre ses propres amours à travers des scènes plus ou moins allégoriques aux tonalités pâles imitées du pastel.
L’estampe nabie est replacée dans son contexte artistique, entre post-impressionnisme, symbolisme et japonisme, en mettant en évidence les liens d’amitié et de fraternité des protagonistes qui ont perduré au-delà des modes de l’époque. L’exposition montre comment l’œuvre imprimé des Nabis a contribué à les distinguer parmi les avant-gardes de la fin du XIXème siècle.
Jusqu’au 11 janvier 2026
Bibliothèque Nationale de France – Paris
En Une : Ker-Xavier Roussel – « L’éducation du chien » – Lithographie en couleurs – BnF Estampes et photographie