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On en parle

Horizon(s) Anniversaire(s)

Gersende Petoux, le 3 octobre 2022

2022, l’année des 40 ans pour le FRAC Grand Large de Dunkerque !
Cet heureux évènement est d’autant plus joyeux que marqué par la célébration des anniversaires du LAAC de Dunkerque, du Musée de l’Estampe et de la Gravure de Gravelines, soufflant eux aussi leurs 40 bougies, ainsi que du petit dernier, le Musée Portuaire, célébrant quant à lui ses 30 ans. L’occasion pour ces quatre acteurs de la scène culturelle dunkerquoise de se réunir pour une exposition anniversaire(s) sur une thématique ouvrant de belles perspectives, l’”Horizon(s)”. Chacun apportant son grain de sable au château d’anniversaire !

Dans les années 80, Jack Lang se posait en défenseur des artistes vivants et promulguait la décentralisation culturelle. Naissaient alors les FRAC, celui du Nord-Pas-de-Calais de l’époque siégeait à Lille avant de déménager à Dunkerque en 1996, pour devenir en 2017 le FRAC Grand Large tel qu’on le connaît aujourd’hui. Un évènement d’autant plus symbolique que ce nouveau quartier se situe sur un site à valeur historique et emblématique ajoutée, celui de la halle AP2 de 1949 des anciens Ateliers et Chantiers de France. La splendide cathédrale de béton et d’acier fut alors dupliquée en une halle jumelle par les architectes Lacaton et Vassal pour héberger cet acteur incontournable du monde de l’art contemporain. Le FRAC dynamise aujourd’hui ses productions et échanges tant par des expositions et évènements “in and out” que par une collaboration avec les établissements scolaires.

L’Horizon fascine et intrigue depuis la nuit des temps penseurs, scientifiques, marins, explorateurs et philosophes. Une thématique aux variations multiformes qui donne lieu à une superbe exposition réunissant des œuvres-cultes telle la “Blue Sail” de Hans Haacke ou présentant de nouvelles acquisitions telles les photographies de Ilanit Illiouz.

Malo-les-Bains se targue sans prétention d’être la plus belle plage du Nord, titre bien mérité, et c’est le côté balnéaire que le Musée Portuaire de Dunkerque tient à célébrer. Seau de plage, cartes postales et affiche d’époque rappellent l’engouement pour le bord de mer dès la seconde moitié du 19ème siècle, point démenti à ce jour. Un petit trésor y apporte un clin d’œil coloré et Pop avec le “Folded Hat” de Roy Lichtenstein.

Ria Paquée – Photographies de la côte –
© Ria Paquée / Collection Lieu d’Art et d’Action Contemporain

L’Horizon est sans nul doute une notion abstraite, aussi difficile à se représenter qu’à photographier. Comment mieux définir l’indéfinissable qu’en le confrontant à son contraire ? Réflexion qui guide les œuvres de Ria Pacquée, présentées par le LAAC. Lors de déambulation le long de la côte, glanant ses clichés au gré des marées et des changements de lumière à la façon des impressionnistes, l’artiste réalise neuf photographies qui mettent en exergue une ligne d’horizon rompue par un élément géométrique de nature opposée. Bien souvent c’est la verticalité d’un mât, un poteau, un porte-drapeau ou un bouchot qui vient contrecarrer l’infini de la mer.

Autre dimension de cet Horizon(s), l’écologie est aussi à l’honneur ou plutôt les conséquences dramatiques du réchauffement climatique, ici abordées par le sel, seul subside de la mer quand l’eau s’évapore, en un lieu particulièrement symbolique et sacré, celui de la Mer Morte. Deux artistes tirent la sonnette d’alarme d’une terre qui s’érode, voire disparaît, subissant les méfaits de la surexploitation industrielle et de la négligence égoïste de l’Homme. Le designer israélien Erez Nevi Pana avec sa série “Bleached” présente pour la première fois au FRAC son tabouret de bois et éponge végétale cristallisé de sel de la Mer Morte après une immersion de plusieurs mois dans cette dernière. Quant à Ilanit Illouz, elle y a plongé ses clichés de roseaux et gisements de sel, jusqu’à ce qu’une couche cristalline et scintillante vienne en vernir la surface, clin d’œil à la photographie héliographique.

Charley Case – Sans titre – Colletion du Musée de la Gravure et de l’Estampe de Gravelines

Le réchauffement climatique on le sait entraîne également de grandes mutations sur les plans politique, économique et sociologique, l’exode de réfugiés climatiques venant aujourd’hui aggraver celui du phénomène des migrants. C’est ce parti pris de l’Horizon qui a motivé le choix d’une œuvre envoûtante de Charley Case par le Musée de l’Estampe et de la Gravure de Gravelines. Cet artiste bruxellois vécut à Gibraltar et produisit cette série sans titre lors d’une résidence d’artistes au musée. Si de nouveaux horizons sont porteurs d’espoir et de nouvelle vie, la dangerosité du voyage et la cruauté des flots tourmentés peuvent parfois assombrir le décor voire engendrer le chaos. Les deux gravures de l’artiste en témoignent, le contraste du noir et du blanc soulignant la dualité de cette mer aussi porteuse d’espoirs qu’assassine et traîtresse pour ces marins de fortune. Une œuvre forte et dantesque.

Beaucoup d’autres artistes viennent enrichir cette superbe exposition, la vidéaste Capucine Vever présente neuf gravures sur cuivre, “Lame de fond”, qui plongées dans l’acide subissent autant de mutations et transformations. Elle nous offre également une magnifique vidéo “La relève” sur les trajectoires de bateaux liées au commerce international, trajectoires visibles ou invisibles observées du phare d’Ouessant, décrites et suggérées par le récit dans lequel elle nous embarque de sa voix posée et envoûtante par-delà l’horizon. Une sorte de mirage, prétexte à nous conter les conséquences de l’économie à échelle globalisée autant que la disparition du métier ô combien mythique de gardien de phare.

Catherine Rannou – Cabanons de plage

Catherine Rannou, artiste ayant résidé à Dunkerque à l’instar de Ria Pacquée et Charley Case, s’est quant à elle intéressée aux cabanons de Sangatte, ces habitations vernaculaires et anonymes ancrées dans le paysage côtier. Elle les a dessinés à la façon d’une architecte, les a animés et filmés dans une vidéo, les observant sous toutes les lattes, tous les angles, jouant de plongées et contreplongées pour mieux les personnifier et en faire des ensembles vibrants dont l’ombre projetée sur le sable immaculé ressemble parfois aux créneaux d’un château de sable, aussi emblématique de la plage qu’éphémère et menacé.

La volonté du FRAC et de ses partenaires est sans conteste d’accueillir avec chaleur et dynamisme ces jeunes talents émergents et faire de Dunkerque une ville d’hospitalité pour les artistes où il fait bon rester et créer sur le territoire. Le parti pris de la thématique-anniversaire est le “Voir et revoir”, une belle célébration de ces quarante années de Partenariat en Région, durant lesquelles 500 expositions ont eu lieu sans omettre celles avec les partenaires, dont les établissements scolaires. Une aventure qui se poursuit pour les mois à venir hors-les-murs dans les Hauts-de-France ainsi que la Belgique, autant de belles occasions de découvrir de nouveaux horizons !

Jusqu’au 23 avril 2023
FRAC – Dunkerque (59)