Hammoud Chantout, venu naguère de Syrie, creuse à vif les ténèbres. Chez lui, l’impénétrable lumière surgit du dedans et l’ombre ultime accidente l’étendue. Sur fond fluctuant couleur d’abîme, où l’existence hésite à s’accrocher, l’obscurité latente diffuse sans fin les affres du monde. Elle s’empare des clartés fragiles, et l’or des souterrains, masqué et broyé, illumine subtilement ses hauts-fonds. Les tressaillements de la matière vive, en lentes coulées telluriques, oxygènent sans fin dans l’univers.
Son art décanté fouille l’impérieuse nécessité du dépouillement pictural, et l’essentiel se dégage pudeur vive et très sensible retenue. L’enfouissement des apparences est son territoire, et l’incandescence latente sa respiration. Ainsi surgit la gangue oubliée de la terre-mère, où se dévoilent d’improbables présences humaines. Art habité, aimanté, en rituel d’apparition.
Nocturne, esquissée et tragique, l’assemblée des traces humaines sourd des profondeurs de la toile. Hammoud Chantout n’en dit jamais trop, il densifie l’infinie fragilité de la vie et l’éternelle fascination de l’absence. Il peint des êtres d’art, d’or et de nuit, toujours en attente, et lourds d’abîme et de mélancolie. L’apparence de table ordinaire qui semble réunir leurs solitudes n’est plus qu’un morceau de désert qui vibre sous un ciel d’âme et de tempête. Servants d’un rite inconnu, ces êtres anonymes n’ont plus de visage, car ils vivent en profondeur le sacrifice sain de nos apparences.
Créateur de fascinantes réunions d’humanité lointaine, assemblées précaires et secrètes, ce magicien des ténèbres réunit l’atmosphère intime et vécue de la chambre d’enfance, la mémoire de la guerre inoubliée et la lumière assourdie d’une sacralité sans frontière.
Jusqu’au 13 octobre 2023
Galerie Terrain Vagh – Paris 5ème
Les 1er, 7 et 8 octobre 2023 – Parcours Helium – Les Ullis (91)
En Une : Le dernier dîner – 2022 – 114x146cm
