Né en Irak, passé par une école d’art en Israël, Abraham Hadad, d’abord abstrait, fait vivre chaque image créée par la pure peinture. Les icônes vues en Egypte au monastère Sainte Catherine l’ont marqué à jamais. Foi définitive en la création : “la maîtrise de la figure compte pour moi davantage que l’accumulation des procédés créateurs qui semble primer de nos jours “. S’il enseigne longtemps la lithographie aux Beaux-Arts de Paris, Abraham Hadad, souvent présent à Paris chez Marie Vitoux, est un peintre majeur de notre temps. Marc Le Bot, formidable écrivain d’art, a naguère écrit un livre fort sur lui.
Chez Hadad, l’énigme règne au profond, secouée par l’incroyable obsession du regard. Le spectateur, traversé, devient le voyeur obligé d’un théâtre subtilement transgressif, parfois scabreux, et souvent marqué d’humour. Sidérante de présence, la chair offerte et vive, est omniprésente. Les visages peints, masculins ou féminins, proches les uns des autres, semblent indifférenciés. On dirait la répétition fantasmée d’un innombrable autoportrait, irréel et fantastique, y compris même dans les petits animaux qui jouent le rôle secret, un rien pervers, de silencieux témoins…
Les personnages sont possédés par le temps qui passe. L’univers d’Abraham Hadad est fait d’éléments intemporels et décantés. La nature est simplifiée, les lieux sont dépouillés, les êtres sont dénudés. Corps vêtus de peinture, aux antipodes des critères de beauté fabriquée. Tout va dans le même sens d’un art essentialisé, porté toujours par une même vive clarté. Surpris dans leur intimité, ces êtres peints sont tous d’une nudité première, absolue, édénique. Dans la surprise aiguë, riche et piégée de toute existence.
“Merveilleuses Musardes“, terme aralyen qui invite à la plus belle découverte voyageuse, s’applique admirablement au Clos des Cimaises, l’un des très beaux lieux d’art de France. Beau en soi, quasi perdu dans une belle région, et beau encore par les artistes exposés, parmi les plus talentueux de France, de Franta à Marc Petit, de Robert Keramsi à Marc Perez, ou de Lydie Arickx à Fabien Claude. Voir le site de toute urgence, et s’y rendre de toute urgence ! On y a vu naguère Zoran Music, Nitkowski, Dado, Christoforou, et récemment Serge Labégorre, tous princes en création. Le maître des lieux, Jacques Harbelot est lui-même un excellent peintre.
Dans cet ensemble exceptionnel, il n’est pas étonnant de retrouver, tout l’été, les somptueuses créatures d’Abraham Hadad, toutes effarées d’exister, décalées et surgissantes.
Jusqu’au 29 août 2021
Galerie Le Clos des Cimaises – Saint Georges du Bois (17)
En une : L’armoire à glace – 2019 – 130×97 cm
