Chez Grégoire Hespel, les denses marécages de la matière ont bu toute lumière, et la matière palpite au creux de ces brouillages d’art et d’affect, dans ces couleurs broyées, et dans ces élémentaires poussières de terre et d’univers.
Chez lui, la diversité des couleurs est inutile, celles de la terre ou de la robe animale suffisent, et l’œuvre prend le monde à son compte, pour avoir l’âge de l’univers. De grandes plaques verticales, peut-être issues des ténèbres, ou nées de la grotte primitive, imposent une sidérante muralité.
Tout ploie sous la nue d’une peinture maculée, et tout est chargé du dedans. Grégoire Hespel densifie toute surface pour laisser surgir une étrange chair intime. L’écrasement subtil s’installe, s’étale et s’étend, quand la lenteur et l’opacité s’étreignent. D’étouffés élans bousculent les inerties du monde, et les sourdes sources des profondeurs, comme arrachées au néant, éloignent les horizons.
Cette écriture du monde enfoui-désenfoui est proche de l’abstraction. Le flou crée la distance, et Grégoire Hespel dit l’essentiel et l’insondable. Il fouille l’abîme latent des choses. Il absorbe toute durée. Il est l’englobant, et respecte l’énigme du dehors. Il est matière plurielle, hétérogène et sensuelle, reliant le ciel, l’eau et la terre. Matière mouvante mêlant toutes les couleurs du monde, et toujours traversée d’archaïque nature. Avec des traces assourdies d’humanité, des chemins, des demeures, des animaux. Grégoire Hespel pratique la parcimonie, l’ascèse, la retenue et la pudeur. Sous sa peinture terreuse, humide et douce, couve une sensibilité des confins suraiguë, pure et sidérante. Profondeur habitée et palpable.
La somptueuse peinture de Grégoire Hespel, homme-peinture, est lourde de terre ancienne. Monde flottant d’intemporelle rêverie. Sur base de boue première, sublime et généreuse, secouée de très lents mouvements telluriques. Les angles, les aspérités, les secousses, les écueils, les précisions, les échecs et les blessures ont disparu. La matière du temps et les couleurs du dedans font lave commune. Peinture d’enchantement secret, indompté et fragile. Présence innombrable de la tache invaincue.
Jusqu’au 28 août 2022 – Galerie Born – Born (Allemagne) Jusqu’au 2 septembre 2022 – Galerie l’Île de Maurice – Penvenan` (22) Novembre 2023 – Galerie Mercier – Paris 7ème
En Une : Sans titre – Huile sur toile – 2022 – 22×27,5 cm
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