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On en parle

Fred Deux – Opérateur à prodiges

Christian Noorbergen, le 20 janvier 2021

La belle galerie d’Alain Margaron, qui a représenté Fred Deux en exclusivité de 2000 à sa mort en 2015, n’avait encore jamais montré la plupart des tableaux exposés ici, ceux de sa dernière période, de 2002 à 2013, œuvres de grand format, où la peinture joue un rôle important. 

Sans titre – 2013 – Encres sur papier – 51×33 cm

Fred Deux invente des traces immenses, et d’immenses tracés. Des îles du dedans aux labyrinthes de la chair, se déploie souplement le pays Deux. Un étrange écrivain et un fabuleux graphiste l’ont inventé. Ces Deux-là ont fait un univers pluriel où le trait est aigu, cruel, infime, d’une finesse creusée au scalpel. Les corps n’ont pas d’épaisseur. On les traverse du regard, car ils n’ont pas d’intimité. D’autres organes sont créés, d’autres voies corporelles sont tracées. Ainsi le corps s’aventure dans les ailleurs du monde. Les forces agissantes ouvrent la voie, et se déploient dans la gravité, à la majestueuse allure de ses grands formats.

Fred Deux dessine de l’intérieur les abîmes de la chair, son cérémonial, ses avancées, ses ténèbres, et ses incongruités. Un visage-organe se noie dans les miroirs d’une plaie étale à l’infinie délicatesse…

L’apparition du 7 mars – 2003 – Mine de plomb, aquarelle et peinture dorée sur papier 104,5×70 cm

Fred Deux n’écarte pas ses obsessions, il les affronte durement et les caresse doucement. Il sait désenfouir le corps de ses lointains mystères, et sa rêverie respire l’air « chargé » des grottes intimes. 

De l’acceptation – 2008 – Mine de plomb, aquarelle et peinture argentée sur papier
105×67 cm

Son art est de perdre en soi, au plus près de l’unité cellulaire des corps, les apparences du jour qui aveuglent. Le pays Deux impose un rituel inconnu, inactuel et possédé. Surgissent des esquisses subtiles en formes d’existants hallucinés, à la lisière fluide et déroutée des sables mouvants de l’âme nocturne.

Différents états de l’univers sont convoqués, différents éclats sont entrechoqués, jusqu’au vertige final qui les installe. Opérateur à prodiges du dehors-dedans, d’une affolante liberté graphique, Fred Deux est l’inventeur aigu d’un fabuleux pays d’âme. 

Nécessaire de la plaie – 2011 – Mine de plomb, encres, aquarelle et peinture dorée sur papier – 76×57 cm

Les musées de Lyon et d’Issoudun lui ont récemment rendu hommage. A quand Beaubourg ?

Jusqu’au 20 février 2021
Galerie Alain Margaron – Paris 3ème