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On en parle

Filiations – Michel Nedjar

Chantal Vérin, le 6 octobre 2021

Le Domaine de Chamarande (Essonne) consacre l’ensemble de ses espaces d’exposition à l’œuvre plurielle de l’artiste Michel Nedjar. L’exposition “Filiations” se déploie dans les salles du château, des premières créations des années 70 jusqu’aux œuvres les plus récentes, dont certaines créées pendant le confinement. Dans l’Orangerie, un second volet présente une sélection d’œuvres d’art brut provenant de la collection publique du LaM (Villeneuve d’Ascq). Belle approche de la personnalité de Michel Nedjar et de Markus Eager, défricheurs passionnés qui ont fait don au musée de près de 300 œuvres de 47 artistes d’art brut, jusque-là réunies au sein de l’association l’Aracine (Aloïse Corbaz, André Robillard entre autres).

La démarche de l’artiste est empreinte de la magie des objets rituels fascinants découverts dans l’enfance au Musée de l’Homme. L’expérience d’apprenti-tailleur à “façon”, la rencontre décisive du collectionneur Daniel Cordier, qui ouvrira l’œuvre à un large public, de nombreux voyages à travers le monde (Ile de Pâques, Amérique latine, Chine, Afrique), la confrontation existentielle avec le SIDA, la judaïté révélée non pas “avec la Torah, mais avec la Shoah”, accompagnent tout un parcours de vie, entre “chaos et structures”, voué à la création “qui aide à s’en sortir”.

Poupée Pourim

Les premières poupées, “les Chairdâmes”, fabriquées avec des chiffons glanés sur le marché aux Puces où travaillait la grand-mère maternelle de Michel Nedjar, entremêlent tous les fils du passé pour en faire des fétiches spectraux, parfois cruels. Un film expérimental de Theo Hernandez montre l’artiste aux prises avec la fabrication d’une “poupée”. “Les miroirs de la pensée magique, qui perforent les espaces mentaux, éclatent au profond de l’œuvre.” (Christian Noorbergen)

Présence

La série des visages “convoqués”, yeux ouverts pour les vivants ou fermés pour les morts, de couleur rouge ou noire, les masques totémiques, voisinent avec les petites poupées de voyage, faites de rebuts ramassés ça et là. Le dessin géométrique d’un personnage archétype de l’oriental s’apparente à l’image du père. Des enveloppes illustrées évoquent de lointains rivages.

La tragédie humaine n’est jamais éloignée. Tragédie personnelle enfouie dans le Reliquaire, série de photos très personnelles, enchâssées dans des albums cousus, impénétrables. L’autre tragédie se révèle à travers la mise en scène merveilleuse des poupées Pourim. A travers cette à fête juive, carnavalesque, transgressive, exubérante, Michel Nedjar “exhume” tous ses fantômes et fait œuvre de réparation.

Reliquaire

Les “coudrages” (“coudre” et “image”) concluent symboliquement et poétiquement la visite. Beau catalogue broché, 80 illustrations.

Michel Nedjar – Filiations – Jusqu’au 9 janvier 2022
Domaine départemental de Chamarande (91)
www.chamarande.essonne.fr

En Une : Sans titre (Présence) – 1994 – Technique mixte sur carton – 120×80 cm – courtesy Christian Berst art brut, paris – Photo : François Lauginie/Département de l’Essonne – ©Michel Nedjar