C’est toujours avec une certaine excitation que je me rends au salon Figuration Critique dans ce magnifique écrin qu’est le Bastille Design Center, pour cette bonne raison que si je suis sûr d’y retrouver quelques artistes piliers de l’association qui organise cette manifestation d’art contemporain, je le suis tout autant d’y faire des découvertes, car la sélection est renouvelée en profondeur chaque année.
Autant le dire tout de suite : le cru 2025 était d’excellente qualité, et un rapide tour dans la salle des petits formats au fond à droite du rez-de-chaussée m’en a donné l’intuition immédiate grâce à sa concentration en miniature des œuvres de plus grand format que j’aurais à découvrir sur les trois niveaux d’exposition de l’ancien magasin de quincaillerie. Cette salle offrait en effet un panorama dense des styles, techniques et esthétiques des quelque 70 artistes réunis pour cette nouvelle édition, et malgré cette densité, on sentait tout de suite que des personnalités fortes se dégageaient sans aucunement s’affaiblir au contact les unes des autres. Plus encore, si la présence d’œuvres appartenant à une veine qu’on pourrait qualifier de singulière ou expressionniste se voyait au premier coup d’œil, il ne s’en dégageait pas de ligne artistique particulière : la variété était de mise, reflétant la diversité des points de vue comme des sensibilités, des sujets comme des médiums. Le seul point commun à toutes ces œuvres, c’était l’évidence d’un propos personnel loin d’une approche « décorative »…
Dans son éditorial écrit en septembre dernier, le président de l’association Claude Lieber écrit que la sélection des artistes se situe « loin des mouvances artistiques actuelles ». On voit très bien ce qu’il veut dire par là, néanmoins j’ai la faiblesse de penser qu’il se trompe (au moins un peu) sur ce point : la figuration revient en force dans le paysage de l’art contemporain, et une figuration qui n’est pas toujours « commerciale » ou « décorative » comme on pourrait le craindre. Une part croissante du public qui achète de l’art est lassée du pompeux, de l’absurde, du choquant, du conceptuel et du vide, et se tourne à nouveau vers un art qu’elle peut comprendre par ses propres moyens. La France et sa fameuse (fumeuse ?) exception culturelle est bien sûr en retard dans ce mouvement qui concerne le marché de l’art au niveau international, mais elle y vient à son tour petit à petit, et Figuration Critique pourrait de ce point de vue se situer non pas « loin » de cette mouvance actuelle, mais à son avant-poste : la solitude y est à peu près semblable, mais elle n’a pas le même sens.
Cette possible position d’avant-poste a été conquise ces dernières années par l’ouverture aux techniques mixtes et numériques faite dans le choix des artistes exposés. La peinture et la sculpture « classiques » n’ont certes pas dit leur dernier mot, mais on se réjouit de les voir dialoguer avec le collage, le transfert photographique, la peinture numérique ou le photomontage digital, qui sont autant d’aiguillons fouettant la créativité et l’imagination des faiseurs d’images contemporains. Parfois l’outil informatique se fait complètement oublier, comme chez Monch ou Isabelle Cochereau qui proposent des œuvres ambiguës qu’on pourrait confondre avec des peintures, parfois au contraire il s’affiche sans complexes comme dans les œuvres d’Olivier Zimny ou de Dystophotograhie Aka Yentel, et parfois encore, il semble s’afficher de manière visible alors qu’il n’est pas forcément là comme dans le travail de Jean-Marie Vivès.
Il n’est pas aisé pour un salon de perdurer sans se répéter ni s’essouffler, sans trahir son propos initial ni s’y enfermer. Avec plus de quarante ans d’existence, Figuration Critique fait partie des salons qui comptent sur la scène contemporaine nationale et qui demeurent pertinents grâce à un renouvellement régulier des artistes exposés et grâce aussi à la multitude des partenariats noués avec d’autres salons, galeries, institutions et médias, qui permettent autant de rebonds et d’échos dans le temps et l’espace une fois l’exposition terminée. Cette année, Laurence Morée-Paganon, Blaimont, Fred Mauve, Kristina Buga ou Philippe Kesseler sont ceux qui ont le plus retenu mon attention parmi de nombreux autres artistes remarquables, j’ai hâte de découvrir ceux qui pimenteront ma visite en octobre 2026…
En Une : Marcel Picard, Jean-Marie Vives, Jérôme Oudot Trez, Sophie Delpy, Morée-Paganon, Kristina Buga et Yvan Chatelain