Hier nous étions près d’une centaine de personnes à assister au vernissage de l’exposition « La Vague verte » de l’immense artiste O. Danslegaz. L’événement se tenait à la Maison du Citoyen de Fontenay-sous-Bois, bien connue des lecteurs d’Aralya pour être un des lieux d’exposition réguliers des salons ArtCité et RDV d’Art. Enfin, pour avoir été un de ces lieux. Car entre la mairie de la commune du Val-de-Marne et l’organisateur des salons Gregor Podgorski, le divorce est consommé. À tel point que, pour réunir son public composé pour l’essentiel d’artistes ayant déjà exposé sous sa direction, le Colosse au chat s’est abstenu de toute communication écrite par crainte d’une fuite entraînant la fermeture du lieu au public ; c’est donc par téléphone que chaque convive avait été invité à participer à ce qui était plus un happening/installation qu’une exposition à proprement parler.
De quoi « La Vague verte » est-elle le nom ? D’abord, d’une installation monumentale reliant des milliers de bouteilles en plastique vert par des fils, aboutissant à la création d’un antre d’émeraude où le regard du visiteur pouvait se perdre plaisamment. Des années de collecte ont été nécessaires pour réunir autant de bouteilles, des semaines pour les nettoyer et leur donner une transparence dénuée de marque(s) seule à même de créer la profondeur chromatique voulue.
Puis, à l’orée de cet antre, un couloir aux murs blancs sur lesquels étaient collés d’innombrables papiers contenant le mot ou le son « ver(t) », certains rédigés par l’artiste, d’autres par les spectateurs qui étaient cordialement invités à compléter l’accrochage avec des vers ou des jeux de mots de leur cru. Car, avant tout, l’exposition se veut être la manière la plus élégante possible de dénoncer une politique culturelle municipale défaillante et irrespectueuse des artistes. L’humour plutôt que l’insulte, la dérision par les mots et une installation plutôt qu’un affrontement politique avec des attaques ad hominem. Une initiative qui peut sembler dérisoire, mais tellement nécessaire à une époque où règnent le découragement, la démission et le silence.
Mais pourquoi le vert ? Tout simplement parce qu’au sein de cette municipalité ancrée à gauche, ce sont les écologistes qui ont en charge la culture. Dans l’esprit de beaucoup, la droite ne s’intéresse pas à la culture, la trouvant inutile, coûteuse voire dangereuse, tandis que la gauche en est son meilleur rempart « naturel ». Derrière cette idée reçue se cache parfois une autre réalité, et derrière le discours (qui ne coûte rien) on trouve des pratiques peu reluisantes. Par exemple, concernant ArtCité, celle de fermer deux des quatre lieux d’exposition, changeant ainsi radicalement l’équilibre de cette manifestation qui a plus de vingt ans d’existence ; ou bien, lorsqu’un lieu reste ouvert pour accueillir les œuvres (ici l’Hôtel de Ville), décréter 18 jours de fermeture exceptionnelle sur les 27 que comptait la dernière édition du salon. Les artistes se sont sentis très respectés. Dans un contexte général de baisse des dotations et de désintérêt vis-à-vis de la culture, notamment dans le champ des arts plastiques, ces comportements au niveau local sont autant de trahisons qui passent souvent inaperçues, car, après tout, qui est encore intéressé par l’art dans une société qui ne jure que par le pouvoir d’achat ?
C’est ainsi que s’effacent petit à petit les repères de ce monde parallèle censé apporter un supplément d’âme, un pas de côté, un questionnement, des émotions ; certains salons ferment carrément, d’autres vont devoir trouver une nouvelle formule pour perdurer, sans l’aide pourtant précieuse des pouvoirs publics, une aide pas seulement financière et logistique, mais également symbolique. Gregor Podgorski l’assure, ArtCité n’est pas mort*, il va changer de format et de durée, trouver un nouveau lieu d’exposition (l’atelier de l’artiste entièrement réaménagé en Musée des Arts Derniers). Mais en devenant purement privé, beaucoup de gens vont oublier qu’il s’agit d’un événement d’intérêt public, avec le risque d’un entre-soi involontaire, certaines personnes ne poussant pas les portes d’un lieu privé aussi facilement que celles d’une mairie, d’une médiathèque ou d’une salle communale. Quand une municipalité faillit ainsi à sa mission d’accueil du public, il y a de quoi être vert de rage…
*(Artcité en 2025 : du 9 septembre au 2 novembre, le titre : « En exil »)
Jusqu’au 21 juin 2025
La Maison du Citoyen – Fontenay-sous-Bois (94)
En Une : La Vague Verte – Installation