C’est bien connu : en art dit contemporain, les consubstantielles béance du sens et minimalité du contenu sont largement compensées, soit par de colossales et imbitables enflures discursives, soit par le gigantisme des œuvres, soit par la vertueuse conjugaison des deux. Les giga-plasticiens du trou du sens sont nombreux dans l’art dit contemporain.
Jack Lang, notre premier chasseur de tendances et influenceur en la matière, avait déclaré au Monde il y a quelques années : “On pourrait aussi penser à ouvrir, dans le domaine de l’art contemporain, un musée des grands formats, qui sont aujourd’hui si prisés, comme l’atteste le succès de l’Art Basel. Lyon regorge dans ses réserves de ce type d’œuvres ; entre autres merveilles, une sublime pièce de Daniel Buren de 300 mètres carrés. Les besoins comme les idées ne manquent pas si l’on veut mobiliser les talents, les énergies et les enthousiasmes” Une déclaration de la même ardeur progressiste que cette autre de 1997 : “la sexualité puérile est encore un continent interdit aux découvreurs du 21ème siècle d’en aborder les rivages” Ben voyons Ginette ! Pourquoi se gêner ?
Il y a donc Buren en star n° 1 incontestable du giga-insignifiant. En n° 2 on pourrait placer Tania Mouraud, artiste autodidacte, formatée au USA dans les années 80. Elle est l’auteur.e d’une giga-fresque sur bâche de 50 m2 qui n’est visible que du haut de la tour pigeonnier du bâtiment du FRAC-Lorraine, et qui n’est accessible par un escalier étroit et quasiment impraticable. Cette œuvre constituée des raies noires verticales de lettres très allongées, qui ressemble à un code barre façon Buren, porte un message dont la force tient dans l’illisibilité des mots écrits… Une méta insignifiance donc… Sachons que Tania Mouraud, redoutable professeur.e dans une école des Beaux-Arts du coin, était la copine LGBTQ de la non moins cruella directrice du FRAC lorrain…Laquelle dure à cuire fut pourtant victime d’une triple sur-pression nerveuse, après qu’elle ait essayé de redresser le Magasin de Grenoble…
Dans les autres top-ten des stars du riennisme radicalisé ou de l’ineptisme de l’extrême, il y l’académicien Fabrice Hyber, avec son savon de Marseille de 25 tonnes ( et son grand troupeau de gnous élevés par lui dans la ferme des parents en Deux-Sèvres) ; Il y a Chisto avec son emballage de l’Arc de Triomphe ; Il y a Vernard Benet, avec sa poutre de fer de 50 tonnes en arc de cercle de 115 degrés sur une autoroute belge; Il y a Papy chocolat Mac Carthy et son plug anal de 20 mètres de haut sur la Place Vendôme; Il y a Jean-Pierre Raynaud et ses grands pots avec rien dedans (comme dans sa tête ) devant le Centre Pompidou ; il y a Boltansky et son tas de vieux vêtements de 15 m de haut ; il y a Abdessemed et son “coup de boule de Zidane” de 5 m de haut, etc, etc ….
Tous ceux-là ont une œuvre à message plus ou moins bidouillée politico- sociétalo-posturo-questionnatoire… Plus ou moins identifiable.
Mais il y en a un dont l’œuvre est sans message superflu et d’une pureté absolue dans l’insignifiance, c’est le nommé Lilian Boutgeat : un indépassable dans le genre “sur-dimensionnement d’objets du quotidien“, formé à l’école nationale des Beaux-Arts de Dijon, professeur de rien à l’école des Beaux-Arts de Chalons-sur Saône, exposé par la Galerie Perrotin, présent dans les collections de nombreux FRAC. (on l’attend comme prochain Prix Marcel Duchamp, ou Pernod-Ricard, ou de l’AICA. Avec lui, les choses sont simples : il prend au hasard un ustensile quelconque (parpaings, godasse, tire-bouchon, bout de ficelle, chaise plastique, caddie, arrosoir, bottes en caoutchouc, brouette, etc..) et il l’agrandit entre 20 et 50 fois (soit entre 8000 et 75000 fois en volume), et le tour est joué… Mais bonjour les frais, surdimensionnés eux aussi, de transport, d’installation, de stockage, de conservation….
Avec lui les choses sont tellement simples que je n’ai pas pu trouver un seul critique d’art (pas même le breton Huitorel ou le parisien Dagen ) qui ait pu nous pondre un texte bien tortillé intello-abscons imbitable comme je les aime…. Ce Bourgeat n’a donc aucune prise pour la critique… Reconnaissons lui cette vertu.
En une, l’affiche de sa rétrospective au Château de Varengeville en Normandie, pôle culturel de la MATMUT, Mutuelle Assurance des Travailleurs.euses MUTualisés.ées… Elle est étrange cette addiction à l’art contemporain qu’ont les mutuelles assurances….non ?