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On en parle

Devenir (un autre) animal

Chantal Vérin, le 12 juin 2022

Le Château de Chamarande, ses dépendances et son immense parc, constituent dès le XVIIIème siècle un des plus vastes domaines de la région Ile-de-France. Aujourd’hui propriété du Conseil départemental de l’Essonne, il est devenu un remarquable centre d’art, avec des expositions d’envergure. On y a vu Quentin Garel, Ma Desheng et plus récemment Michel Nedjar. L’année 2022 est consacrée à l’animal, ou plutôt à l’animalité métamorphique, en abordant ce qui réunit l’homme et l’animal plus que ce qui les différencie.

Art des racines de l’humaine animalité… Gilles Rion, responsable des expositions et très investi maître des lieux, parle d’un “chassé-croisé entre l’animalité de l’homme et l’humanité de l’animal, et s’appuie sur des réflexions nées des domaines de l’anthropologie, de l’éthologie ou de la philosophie. 

Huit artistes de différentes cultures et un collectif belge occupent chacun un espace dédié dans le château, lié à l’esprit de l’artiste exposant. Neuf mondes où les rôles et les identités traditionnelles sont bouleversés. Pluralité complexe des liens entre l’homme et l’animal.

Katia Bourdarel – Je suis une louve – 2012 – Résine acrylique et textile – 100x155x50 cm

L’exposition s’ouvre avec une œuvre de Katia Bourdarel, empruntée à la Fondation Datris. Je suis une louve” se compose de cinq sculptures figurant une meute de louves, chaque animal affublé d’un masque brodé, un loup, et d’une peau de mouton. Symbolique inquiétante de cet animal, féminité agressive et protectrice à travers le choix du titre au féminin.

Edi Dubien – Embrasser son ombre – 2021 – Aquarelle et crayon sur papier – 50×65 cm

Edi Dubien a installé des centaines de dessins, tout un monde pluriel, articulé autour d’une inquiétante chrysalide à visage humain, suspendue entre des branches d’arbres. Benoît Huot présente des animaux taxidermés, couverts avec une exotique exubérance de tissus chamarrés et de breloques, dépouilles ainsi sacralisées.

Julien Salaud – Printemps – 2014 – 347x246x120 cm – Photo Ch. Noorbergen

Julien Salaud, dans la “salle à manger des chasses”, au riche décor boisé, a installé son “Cerfaure“, cervidé monumental à buste humain, mi-proie, mi-prédateur. A noter que le buste a été moulé sur le corps même de l’artiste, forme d’empathie pour les autres formes trop menacées du vivant.

Magnifiques photographies, autour de la figure du “Wilder Mann” de Charles Fréger qui parcourt le continent européen à la recherche des différentes occurrences de ce personnage archaïque où fusionnent l’humain, l’animal, le végétal au cours de fêtes carnavalesques qui renvoient à de très anciens rituels. 

Charles Freger – Wilder Mann – depuis 2010 – ©Charles Freger

La “S” Grand Atelier situé en Ardenne belge propose une présence animale chargée de textiles. Le collectif a d’ailleurs présenté récemment au MIAM de Sète des travaux à quatre mains d’artistes handicapés et valides, mêlant art Brut et art contemporain.

L’exposition commencée par la figure de la louve se termine par l’installation de Nicolas Tubéry “Deman la Tonda“, évocation du monde agricole et paysan à travers l’image de son père berger. Pas de démarche documentaire, mais une tragique mise en images sonorisée du flux homme-animal-machine, dure et implacable.

L’artiste Odonchimeg Davaadorj, d’origine mongole, est présente dans l’exposition avec des créatures hybrides, à l’inspiration puisée dans sa double culture. Elle sera présente dès début juin dans l’Orangerie pour une exposition personnelle, avec dessins, peintures, vidéo, couture, broderie et poésie. 

“Devenir (un autre) animal” ou tout simplement désirer devenir autre, ou plus humain ?

Jusqu’au 18 septembre 2022
Domaine départemental de Chamarande

En Une : Odonchimeg Davaadorg – Bardo – 2021