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On en parle

Des foires d’empoigne à l’actuelle misère des artistes

Christian Noorbergen, le 31 août 2020

Au-dessus du lot, il y a “La“ Foire, celle de Bâle, c’est entendu. Du large, du lourd, et des prix hallucinants. Vivent encore, et très gaillardement, les grosses foires de la planète, de Hong-Kong à Miami, notre très parisienne Fiac, et l’étonnante teutonne karlsruhienne. Et dans les hauteurs du dessous du panier, nos jolies foires de province, comme celles de Lille, de Strasbourg et de Montpellier. Ainsi chaque jour, ou presque, une nouvelle foire s’annonce, en Europe et dans le monde…

Du moins avant la Covid… Il y a 40 ans, Lydie Arickx, Roland Cat, ou Piotr Szurek étaient à la Fiac ! Le fleuve des événements a bien coulé…

Elles écrasent à vif le marché, ces grandes foires. Par l’effet de loupe des médias, il n’y en a guère que pour elles. Bâle ratisse les grosses fortunes et le financial art y jouit à pleins chéquiers de son provisoire pouvoir. Les galeries se saignent souvent pour intégrer le très récent marché de ces foires d’empoigne. Mais hors d’elles, les galeries souffrent, la plupart dédaignées des médias et des “grands“ acheteurs, hormis les grosses pointures. Ces foires auraient pu être le sommet de la pyramide. En réalité, ces vitrines de luxe, où l’on retrouve les mêmes produits, s’éloignent de la base, et font monde à part…. Et ladite base est écrasée. La Covid va peut-être redistribuer les cartes.

Trop d’artistes, ou trop de bonnes poires ?

Certes, les artistes d’hier, et plus encore ceux d’aujourd’hui, sont des tenaces et des récalcitrants. Des îles d’art. Mais ils souffrent, et souvent, ils galèrent. Quand ils exposent, invités dans des lieux culturels, ils règlent trop souvent eux-mêmes le transport des œuvres, et ne reçoivent que trop rarement un droit de monstration. Qui devrait être une norme, au lieu, en France, d’être une exception. S’il arrive qu’un lieu prestigieux soit un plus pour l’artiste, trop souvent, trop content d’être exposé à (mauvais) compte, c’est le lieu invitant qui bénéficie d’un prestige à (bon) compte.Il y a eu trop d’exemples où les difficultés financières d’un diffuseur ont servi de prétextes pour flouer les artistes ou leur demander de se sacrifier en donnant des œuvres… Culture de la gratuité, hors scène, voire obscène… 

Peut-être y a-t-il trop d’artistes, trop de suiveurs des grands créateurs d’effets d’art, trop de faux professionnels qui sont de vrais amateurs, et trop d’amateurs plus ou moins distingués qui se prennent pour de vrais professionnels.

Christian Noorbergen – Portrait de l’artiste en décomposition – Aquarelle

La majorité des artistes ne vivent pas de leur art…

Mais nombreux sont les bons, voire excellents artistes qui rament, qui doivent chercher des activités rémunérées pour tenir le coup, et qui n’y arrivent pas. Les artistes sont très nettement plus cultivés que la moyenne de la population, et leurs revenus sont très nettement en deçà des revenus moyens de ladite population. Franchir le seuil d’affiliation au régime de sécurité sociale des plasticiens est difficile à atteindre. Si cela fonctionne, la couverture sociale minimale des artistes-auteurs sera garantie pendant cinq ans. Mais en attendant l’affiliation tant espérée, les cotisations obligatoires ne suffisent que rarement à garantir une couverture auprès de la caisse de rattachement, celle de la Maison des artistes. C’est le cas de la majorité des plasticiens. Et même pour ceux qui accèdent à la couverture sociale professionnelle, la situation reste délicate.

Les artistes vivent du RSA, des interventions artistiques ou de jobs alimentaires. Plus instruits et moins payés, ils restent évidemment beaucoup plus longtemps en activité que le reste des travailleurs.  Beaucoup d’entre eux le font par choix, mais c’est aussi une indication de la faiblesse de leurs revenus.

*Image en une : ©Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla – Hope Hippo – 2005 – boue, journaux, sifflements et lecteur.