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On en parle

Déployer – Croiser

Gersende Petoux, le 3 octobre 2022

Deux artistes dialoguent allègrement au 1er étage du FRAC, deux artistes qui confrontent deux territoires, deux ambiances que tout semble opposer, deux artistes qui se sont rencontrés dans le cadre de la résidence Archipel. D’une part les peintures fraîches et colorées de Marina Vandra, fenêtres sur un monde pastellisé aux apparences douces et sereines. D’autre part les installations vibrantes et inspirées de déchets collectés de Guilhem Roubichou, tout en questionnements et évolutions.

Ces deux artistes se sont plongés dans des univers ô combien dissemblables et semble-t-il totalement opposés. Marina Vandra a pris un bain de fraîcheur de flots bleus dans la ville de Jean Bart, tandis que Guilhem Roubichou s’imprégnait du paysage minier aux frontières de Valenciennes à Denain.

Marina, ancienne étudiante en scénographie à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, a d’abord travaillé dans la scénographie (notamment les ballets de William Forsythe) avant de se lancer dans la gravure et l’estampe. C’est dans le territoire des Hauts-de-France qu’elle a élu résidence, successivement à Boulogne-sur-Mer, Calais et aujourd’hui Dunkerque.

Marina Vandra – Déployer 1-12 – Acrylique sur toile – 2022 – 130x190x2,5 cm chaque oeuvre

Dans ses nouvelles oeuvres, premières réalisations pour lesquelles elle adopte l’acrylique sur toile, elle ouvre et juxtapose des fenêtres, où se mêlent figuratif et abstrait. De jaune citron en parme lumineux, de bleu ciel en rose poudré ou vert d’eau, Marina fait transparaître dans sa peinture la fraîcheur de la mer et la lumière du soleil côtier. “J’aspire à transporter le corps du regardeur avec mes peintures-fenêtres autant qu’un spectacle peut le faire”.

Guilhem, quant à lui, originaire de l’Ariège, a étudié en école d’art puis fondé un collectif d’artistes à Bruxelles, avant de revenir à l’ambiance rurale de sa terre d’origine. Brise-vues, pneus, jerricanes sont autant de glanages et rebus industriels qu’il traite avec des pigments, peintures et autres procédés chimiques, les stylisant et les esthétisant pour les mettre en scène dans un univers poétique et évolutif. Il puise son inspiration et les matériaux qu’il utilise tant dans les magasins de bricolage que sur le bon-coin, amateur de ressourceries et de deuxième main. Un point de vue éminemment politique, économique et sociologique, sous-jacent de son parti pris esthétique et artistique.

Etudiant les brise-vues, Guilhem a remarqué à quel point ces simples palissades de jardin pouvaient s’enrichir de teintes, mousse, végétation et autres motifs ornementaux infligés par le temps qui passe, fut-il météorologique ou Chronos, “la durée du temps” comme disaient les Grecs anciens. Ce sont ces transformations fortuites que Guilhem aime à définir comme “des accidents heureux”.

Guilhem Roubichou – Des bouquets tissés dans le sable – 2022

Divers procédés viennent animer son installation : goutte à goutte, fumée, bruitages et autres réchauds exhalant des odeurs chimiques ou végétales, car l’olfactif est aussi à l’honneur dans ses créations. Un jet d’eau vient modifier une dunette de sable, une poire asperger un autre ensemble, le faisant fondre peu à peu voire disparaître, les brise-vues offrent un aspect minéral, fusion d’un monde post-industriel de (sur)consommation et de la nature qui reprend ses droits. Tout comme le Tistou de Maurice Druon, Guilhem a “les pouces verts” et fait pousser des fleurs sur le goudron.

Grâce à cette exposition “Déployer-Croiser”, nos jeunes artistes mettent en scène leurs œuvres très complémentaires, confrontant leurs pratiques et techniques hétérogènes, tous deux sensibles aux mutations de l’espace qui nous entoure. La prometteuse Marina Vandra semble confirmer son attachement pour notre Région, puisqu’elle sera invitée en 2023, au Musée de la Gravure et de l’Estampe de Gravelines, aujourd’hui partenaire du FRAC en son exposition anniversaire “Horizon(s)”.

Jusqu’au 31 décembre 2022
FRAC – Dunkerque (59)