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On en parle

Daniel Mourre – Ses talismans d’incandescence

Christian Noorbergen, le 29 janvier 2021

Daniel Mourre ne cesse d’aller dans les extrêmes. II affronte l’impensable, et l’abîme est son territoire d’âme. Regard en scalpel, redresse le monde, et l’horizontalité foulée aux pieds devient sublime verticalité, solaire et méditative. Il cherche à terre, sur les trottoirs fatigués des villes, les secrets de l’existence. Quand le monde est bafoué, d’autres regardent le ciel sans jamais voir les hauteurs. 

La plaque d’égout, par lui, se fait sanctuaire aride et fascinant, bouche d’ombre traversée de mystères. Elle devient mandala envoûté, obsessionnel et fascinant, surespace concentré de toutes les frontières de l’univers. Celles de l’humanité et de la nature saccagée, celles du beau et de l’infâme, de la lumière vive et de l’horreur sombre, de la vie brève et de la mort infinie.

Art d’aventure humaine à hauts risques, et parcours d’impossible chemin. Les empreintes miraculeuses et indéfinies de Daniel Mourre sont des tremplins inouïs vers les confins lointains du dehors fragile et du dedans intime. Des talismans précieux. Des voies de secouante lucidité.

Il n’y a pas d’art sans matière. Celle de Daniel Mourre est riche, complexe et surprenante, née d’un dispositif par lui inventé, où la nature, le temps et le hasard interviennent. Des poussières de rouille ensemencent chaque œuvre travaillée recto-verso, et sans fin l’œil vagabonde. Matière plurielle, hétérogène et complexe : un grand peintre, via ses surprenantes empreintes, est à l’œuvre. La bouche d’égout, en aventureuse ivresse, est devenue le double incandescent de Daniel Mourre. Cependant, malgré la source abandonnée d’une simple plaque de misère urbaine, sous l’effet d’une implacable maîtrise, cette matière toujours somptueuse se renouvelle à chaque surgissement. Miroir de traces et de signes vécus. Art sacralisé d’archéologie mentale, prodigieux et agissant.