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On en parle

Christian Jaccard – Paroles d’incandescence

Christian Noorbergen, le 26 octobre 2022

“Jeune, aux louveteaux, avec bivouacs et randonnées, je me souviens d’un ruisseau de montagne riche en fossiles qui me fascinaient. Pourquoi des cailloux venant d’un monde animal et fossilisé ? Là se trouve l’origine de mon regard sur l’empreinte. J’ai commencé une collection de fossiles, jetée plus tard. Chaque fossile avait ses caractéristiques, et la préhistoire m’intriguait, cheminant dans l’inconscient… Je lisais les livres de l’abbé Breuil sur la préhistoire et les premières communautés humaines. J’ignorais à l’époque l’incidence de tout cela sur mon avenir.
Dans mon projet artistique, il importe de connaître les raisons qui m’ont mené aux traces et aux empreintes.

Colonne 6 modules BRN – Brûlis et acrylique sur bois – 1989 – 60×60 cm

Il y a des rapports névrotiques au temps. J’ai accumulé des millions de nœuds comme si la recherche du temps était passée à travers un temps géologique. Le temps d’une empreinte se compte en millions d’années. Le temps de la création dure quelques secondes dans la fulgurance de l’instant. Le temps du vivant ne fait que passer… La fulgurance de l’éclair, dans la nuit des temps, tient du miracle, comme l’éternité de la trace… 

Burning Star 5985 – Diptyque – combustion ML sur toile et acrylique – 2020 – 130×93 cm

Je suis surtout sensible au temps comme espace. Une trace prend sens dans son espace. Dans l’immensité du ciel, la trace d’un éclair fascine. La trace du pas d’un animal dans la forêt est liée à la terre. L’artiste ne s’incarne pas dans la trace. Il la convoie et la conduit. Il manifeste le fait d’accompagner l’empreinte censée produire un temps fragile. L’artiste est un convoyeur qui manifeste les énergies dissipées à travers ses productions.

Je suis d’une enfance plus ou moins liée au religieux. Mais j’ai constaté que le religieux n’est qu’une métaphore, et je suis passé, au fond, à la réalité de l’art. La trace dit l’immédiateté d’un temps. 

Ombres de suie – Gel thermique sur bois – 2018 – 79×59 cm

Le feu que j’utilise est un feu domestique, un feu est à portée de la main. La mèche lente, premier maillon d’une chaîne, est un produit chimique maîtrisé, à ma portée, qui produit des traces. Le feu, à travers sa flamme, produit ses traces et ses propres érections.
La suie est métaphore de la poussière et de la mort sur une paroi blanche, en linceul d’étendue.” 

Le superbe espace d’Art Absolument expose un ensemble majeur d’œuvres de Christian Jaccard, subtile rétrospective d’une vingtaine de pièces qui vont de 1973 à 2020. Ignition sacrale…

En Rouge et Noir – Jusqu’au 19 novembre 2022 – Espace Art Absolument – Paris (75)