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On en parle

Chen Jialing

Christian Noorbergen, le 15 avril 2024

“Une vie au bord du fleuve”

Dans le cadre historique et prestigieux du Réfectoire des Cordeliers, un ancien couvent du XIVe siècle, une merveille d’architecture sacrée, une merveille d’exposition, au cœur de Paris. Pour sa toute première exposition en France, l’artiste Chen Jialing, venu de Chine, montre un ensemble somptueux de peintures, de tapisseries et de céramiques.

Chen Jialing – Les cloches du soir de Nanping

“Une vie au bord du fleuve“, le titre de l’exposition imaginée par les curatrices Cao Dan et He Jing, expérimentées et parfaitement chinoises, avec le conseil scientifique d’Éric Lefebvre, directeur du musée Cernuschi, grand musée consacré à l’Asie. Chen Jialing occupe l’immense espace du Réfectoire. 

Né en 1937, ayant séjourné en Europe et en France, l’artiste relie admirablement la culture traditionnelle chinoise à la plus sensible modernité. Selon le style “montagne et eau” (“shanshui“, en chinois), il s’inspire des paysages naturels. Selon les deux commissaires, il “associe l’essence spirituelle de la peinture à l’encre traditionnelle chinoise, à l’ouverture et à l’expérimentation du modernisme, dans un style souple et poétique.” 

Chen Jialing – Ondulation

Elles ont imaginé “une vie au bord du fleuve” comme titre de l’exposition en écho d’abord à l’enfance de l’artiste, mais également à la géographie de Shanghai et de Paris, deux villes établies au bord de l’eau, la Seine et le Huangpu. Les deux commissaires ont eu plaisir à œuvrer avec le scénographe français Pascal Rodriguez, qui a beaucoup travaillé dans les grands musées de Chine (et ailleurs). Ensemble, les trois responsables ont créé un parcours – le lieu s’y prête – proche de l’esprit d’un jardin chinois, où “le paysage change à chaque pas”.

Chen Jialing – Voix nouvelle

La calligraphie est le langage premier de la peinture chinoise. Un peintre chinois se doit d’exceller dans la calligraphie, au risque de ne pas accéder à l’état d’émerveillement. En voyant les très subtiles peintures de Chen Jialing, sa proximité avec l’art chinois classique, dans sa souplesse rythmique comme dans l’art du vide et de la respiration mentale.

Œuvre sidérante de finesse, de fragilité et de fluidité, calligraphie du presque rien, de l’allusif et de la tache aventureuse. Présence au monde, à la fois totale, lointaine et détachée, et toujours allusive. Plus qu’un plasticien structurant volumes et rythmes, Chan Jialing est un subtil créateur de volutes ombreuses, un peintre-musicien de l’espace-temps intérieur qu’il dévoile jusque dans ses plus subtiles fluctuations, à la manière des grands abstraits lyriques.

Chen Jialing – Série Lotus – Porcelaine cuite à haute température, 1250°C
1998 – Hauteur 160 cm – Diamètre 45 cm

On devine le rôle prépondérant du souvenir dans son œuvre, mêlant les réminiscences d’un site et les émotions poétiques associées qui couvent dans sa mémoire… Le thème de la rivière est donc bien présent, même si l’ailleurs, rêve de bonheur pur et aérien, couve en chaque peinture, même si le mouvement et l’énergie traversent l’ensemble de sa création.

Jusqu’au 21 avril 2024
Réfectoire des Cordeliers – Paris 6ème

En Une : Chen Jialing – © Xu Genshun