“Rien de nouveau sous le soleil“
Carole Benzaken, née en 1964, diplômée de l’École des Beaux-Arts de Paris, fait une entrée remarquée sur la scène artistique en exposant dès 1994 à la Fondation Cartier. Son œuvre singulière, où se déploient peintures, dessins et images numériques, a fait l’objet de nombreuses expositions personnelles en France et à l’étranger. Représentée par la galerie Nathalie Obadia, elle intègre de prestigieuses collections publiques et privées. Proposée au Musée de Tessé au Mans, sous le commissariat de Marie Ely, l’exposition monographique “Rien de nouveau sous le soleil“ fait appel à la fois à des séries anciennes et à des œuvres récentes. Présentés de manière inédite, en parallèle de l’accrochage, ses impressionnants « Rouleaux » font défiler des images mentales emplies de traces biographiques et d’instantanés voués à disparaître, tirés du flux médiatique. Hauts de 5 cm pour une longueur de plus de 100m, et dessinés sur une bande étroite, ils sont en perpétuelle élaboration.
Toute l’œuvre, dans ses différents aspects, renvoie à une réflexion sur le temps, l’inachevé, et le statut éphémère des images. Mise en regard de la célèbre Vanité de Philippe de Champaigne conservée au musée de Tessé, et de références plus ou moins explicites à l’Ancien Testament, l’œuvre instaure une méditation sur la condition humaine. Le thème des Tulipes revient en leitmotiv. Éclatantes de couleurs, dans un style proche du pop art dans les années 1990, puis revisitées et déconstruites jusqu’à l’abstraction, les tulipes sont fragiles et éphémères. Dans la Vanité de Philippe de Champaigne, la tulipe étiolée annonce la mort qui nous regarde à travers les orbites noires du crâne humain.
Pendant son long séjour aux Etats-Unis, entre 1997 et 2004, Carole Benzaken a fait l’expérience de l’effervescence ininterrompue d’un monde en perpétuel mouvement : trafic routier, flux incessant des images, rythmes improvisés du jazz… Les vidéos fugitives prises d’une voiture en marche incarnent cette tension. Transposées en peinture ou en dessin, elles semblent figer la fugacité du temps. Carole Benzaken crée des images où les choses disparaissent au moment où elles apparaissent, la perte de lisibilité devenant un mode d’apparition du sens.
Dans la série “Ecclésiaste 7 :24“, titrée d’après la Bible, l’artiste utilise la lumière insérée dans un caisson. Du flou général, entre lumière aveuglante et dense obscurité, émergent des couches de végétation. La perception se brouille, les repères s’estompent. Ce travail poursuivi après une visite du camp d’Auschwitz confronte l’impact d’une belle nature aux cicatrices de l’histoire. Carole Benzaken ne commente pas, elle livre des impressions et n’attend pas de réponse. Tout est vain, car tout est voué à disparaître. Chaque recherche est une aventure, une réflexion sur le temps qui passe, l’inachevé et l’insaisissable.
L’artiste définit sa démarche culturelle comme « un aller vers l’autre », pour partager ses constants questionnements et ses paysages intérieurs.
Jusqu’au 18 janvier 2026
Musée de Tessé – Le Mans (72)
En Une : Coquette – 1994 – ©Carole Benzaken – ADAGP, Paris 2025 : David Bordes