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On en parle

Bestiaire médiéval

Chantal Vérin, le 2 avril 2024

Les trésors du Cabinet des Livres du Château de Chantilly

Exemple unique en France de bibliothèque princière préservée dans son cadre d’origine, le Cabinet des Livres du Musée Condé à Chantilly est un élément majeur du musée, à l’égal de sa Galerie de peinture. Cet écrin abrite l’exceptionnel héritage de manuscrits des Bourbon-Condé ainsi que la rarissime collection bibliophilique d’Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), fils du roi Louis-Philippe. 1500 manuscrits, dont 500 manuscrits médiévaux (le plus ancien date du Xème siècle), et 17 000 imprimés, constituent un fonds inestimable dont l’origine est parfaitement documentée par les notes érudites du duc. Une bibliothèque moderne organisée sur 3 km de rayonnages !

Exposition Bestiaire Médiéval – ©IRHT-CNRS Château de Chantilly

Brillant général, historien, collectionneur averti et bibliophile, le duc d’Aumale a légué le château et l’ensemble des collections à l’Institut de France. Il a ainsi rendu accessible au public sa très riche réserve de livres rares et précieux. 

Sous le commissariat de Marie-Pierre Dion, conservateur général des bibliothèques, l’exposition “Bestiaire médiéval“, présentée actuellement dans ce cadre unique, s’intéresse aux représentations animalières dans le contexte de la culture médiévale chrétienne.  Le parcours proposé est à la fois chronologique et thématique. Des manuscrits datés du XIème au XVIème siècle illustrent les différentes facettes de la représentation animalière, des animaux comme symboles religieux, emblèmes du pouvoir ou “exemples” d’animaux des fables, œuvres littéraires, encyclopédies et traités de chasse.

Exposition Bestiaire Médiéval – ©IRHT-CNRS Château de Chantilly

Dans cette aristocratique collection, deux manuscrits monastiques retiennent l’attention : un Psautier et un Évangile du XIIème siècle, enchâssés dans leur rare et précieuse reliure orfévrée. Sur le premier, les animaux emblématiques du bestiaire médiéval, le dragon, affilié au serpent et emblème du mal, des lions et des créatures hybrides, encadrent le Christ. La reliure du second ouvrage découvre les représentations allégoriques des quatre évangélistes, l’aigle, le lion, le taureau et un homme ailé. 

Parmi les raretés, deux manuscrits arméniens où figurent les “Tables d’Eusèbe”, système de numérotation complexe des textes évangéliques apparu au IVème siècle. Dans les marges, les artistes ont paré la faune (“des hérons-pêcheurs de poissons et des hommes”, selon le Christ) et la flore de couleurs somptueuses. 

Exposition Bestiaire Médiéval – ©IRHT-CNRS Château de Chantilly

Défilent ensuite les récits de la Bible avec des représentations plus figuratives, les scènes du Déluge, l’arche de Noé, Daniel et les lions, Jonas et la baleine. Des animaux familiers apparaissent, le cochon de Saint-Antoine, Saint-Georges sur son cheval, le chien, et des oiseaux magnifiés.

Les ouvrages sans caractère religieux sont nombreux. Le Liber floridus, manuscrit flamand sur parchemin de 1120, est une encyclopédie imagée du monde animal, réel ou fantasmé, et un répertoire ornementé des constellations. Les Ci nous dit sont des fables moralisantes destinées aux laïcs. Le Livre des propriétés et de vénerie et le Livre de la chasse, documents “techniques”, célèbrent le monde animal, et l’intelligence des animaux les plus nobles (cerf, loup) et les plus forts (ours, sanglier). Dans un autre registre, Le Roman de la Rose s’inscrit dans la tradition des “arts d’aimer” inspirés d’Ovide.

Exposition Bestiaire Médiéval – ©IRHT-CNRS Château de Chantilly

Dante Alighieri, au début de la Divine Comédie, est perdu dans la forêt, empêché par un lynx, un lion et un loup (la luxure, l’orgueil et l’avarice) de trouver le droit chemin.

Les merveilles du monde animal peintes par les enlumineurs médiévaux sont un inépuisable sujet d’admiration, jusque dans les moindres détails, reliure, marges décorées, initiales historiées. L’un des grands enlumineurs du XVème siècle, Girolamo da Cremona, a représenté dans le rond de la lettre O une scène complète : l’évêque de Tours remet son âme à Dieu après avoir affronté le diable qui s’éloigne. Des fourmis, symbole de la sagesse s’affairent dans une fente du carrelage. 

Pour aller plus loin dans cette merveilleuse découverte du bestiaire médiéval, il est possible de se rendre sur l’exposition virtuelle Sublimes animaux, orchestrée par l’Armarium, la bibliothèque numérique des Hauts-de-France, accessible à tous les publics.

Jusqu’au 27 mai 2024
Château de Chantilly (60)

En Une : Exposition Bestiaire Médiéval – © RMN – Grand Palais Domaine de Chantilly – René-Gabriel Ojéda