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On en parle

Attractions énigmatiques

Gersende Petoux, le 7 novembre 2022

Vélasquez avait illustré fort à propos “le tableau dans le tableau” avec ses célèbres Ménines. Pour Jean Louis Saelens, tout commence par une photographie dans la photographie, celle de ses débuts à 11 ans, quand il presse le bouton pour immortaliser son grand-père, lui-même en train de le photographier. Et quand on sait qu’étymologiquement, photographier découle de deux racines d’origine grecque dont l’alliance signifie “peindre avec la lumière”, on ne peut nier que le travail de Jean Louis en est une belle incarnation.

Né en 1953 à Tournai et véritable autodidacte, Jean Louis Saelens a dévolu sa vie et son art à sa passion. Il vit aujourd’hui dans le Pas-de-Calais, non loin du mythique champ de bataille d’Azincourt et de la belle forêt d’Hesdin, sources d’inspiration de certains clichés. Ici, une route en grand huit serpente sur cette terre des 7 Vallées, pays du Ternois au relief accidenté, “Hauts et bas” ; à quelques kilomètres de là, une montgolfière, joliment nommée “La partance”, est par-dessus les champs, telle un point défini sur le graphique de la campagne par une abscisse et une ordonnée noyées dans la brume.

Si la photographie a illuminé sa vie et son travail, une autre passion, l’architecture, lui donne un regard d’esthète fasciné par la géométrie dans l’espace. C’est au Moxy, à Lille, que Jean Louis Saelens expose les clichés de son dernier ouvrage “Attractions énigmatiques” (livre auto édité NDLR).

Connetable ©Jean-Louis Saelens

Un collectif de “Saxophones” aux lignes brisées, la verticalité oblique d’un escalier massif, “Stairway to nowhere”, plongeant ses bâtis de bois vers le sol, un chantier de grues, “Points cardinaux”, pointant leurs bras horizontaux vers l’infini, perchées sur leurs canes dégingandées, autant d’angles et de droites sécantes donnant à ses tableaux des airs de surréalisme poétique.

Car, oui, Jean Louis Saelens aime les grands formats. Point de 40 sur 30 d’une rigueur avare et étriquée pour lui ! Ses photographies sont des tableaux, qui prennent toute leur expression en respirant dans de grands cadres, tels ces parasols sur une plage d’Ostende, dont les rayures égayent la frontière entre un ciel sans nuages et une plage infinie, que seules les côtes de la Mer du Nord peuvent offrir. Un autre tableau mystérieux et envoûtant est celui de “Point de rencontre”, “ce n’est pour moi, ni la Terre, ni la Lune, mais une planète et un point de rencontre où il doit faire bon se retrouver et vivre des bonheurs, loin de ce qui nous entoure ici …”, affirme Jean Louis, à nous de voir, à nous de croire…

Point de rencontre – ©Jean-Louis Saelens

Le parti pris est au Noir et Blanc, raffiné, vecteur d’une ambiance intemporelle et d’un chic esthétique. “Les Vélos amants”, enchevêtrés et patinés par le temps, semblent soudés l’un à l’autre le long des canaux gantois, tels deux amoureux vieillissants. La superbe station de métro bruxelloise, “Pannenhuis” n’en est que plus élégante avec ses lignes futuristes au design détonnant, exacerbé in situ par les couleurs du réel, un rouge flamboyant. Notre artiste avoue s’y sentir comme une boule dans un flipper géant !

L’humour et la fantaisie de Jean Louis Saelens sont aussi à l’honneur dans nombre de ses photographies illustrant des scènes de rue, des “Instants de vies”, comme s’intitulait son 3ème opus en 2019. Deux “Fildeféristes” perchés au-dessus du vide incarnent la poésie et la fragilité, funambules inattendus dont les silhouettes de papier découpé nous rappellent Paul Grimault ou Michel Ocelot, en son “Princes et princesses”. Des trompe-l’œil confondent le rêve et la réalité, des personnages, peints sur des murs ou pignons, comme dans “Shopping” ou “La Halte”, sont autant de passants presque vivants.

Pannenhuis – ©Jean-Louis Saelens

Au début de sa carrière, c’est à Paris que Jean Louis eut l’occasion de travailler pour de grands laboratoires photos, côtoyant Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau ou Josef Koudelka dont il fut le tireur. Autant de maîtres à penser dont l’influence humaniste, l’intemporel Noir et Blanc, la volonté de “cristalliser un instant d’éternité” caractérisent le travail de Jean Louis Saelens. A découvrir au MOXY LILLE, au travers de ses ouvrages ou dans le Salon d’Art de Gilles Bouilliez à la Teinturerie à Roubaix.

Jusqu’au 30 novembre 2022 – MOXY – Lille (59)

En Une : Les Vélos amants – ©Jean-Louis Saelens