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On en parle

Arts Factory

Christian Noorbergen, le 18 août 2022

L’Abbaye d’Auberive, à l’ombre d’un modeste département, la Haute-Marne, est plus qu’un haut lieu d’art. L’art le plus âpre, le plus dur et le plus troublant a trouvé sa demeure, par la puissance d’un habitat, d’un habitant, et d’une volonté incarnée.

Auberive est un archipel constitué d’îles graves, cruelles, douloureuses, et fortes. La vie, la mort, la beauté, et la douleur réunies coexistent au grand jour. On ne peut “faire” la visite de l’abbaye d’Auberive, car elle peut créer la peur d’être soi, déranger, voire accabler. On n’est pas loin de l’épreuve initiatique. Cela dit l’Abbaye se situe au cœur du premier Parc national de forêts de feuillus en France !

Au commencement, en 2005, pour Jean-Claude Volot, à l’origine de tout cela, ce fut l’art des marges, et l’art brut. Il y eut Maryan, Di Rosa, Macréau, des durs-à-peindre et de surdoués durs-à-vivre, tels Dado, Roger Decaux, Rustin, Pons, Deux, Bellmer, Rebeyrolle, et le prodigieux Stani Nitkowski. Vint l’ère des expressionnistes de tout poil, du grand Gillet au disparu Cerredo, d’Ibrahim Shahda à Maurice Rocher, et enfin, depuis, des créateurs de haute intensité et de tout poil, de Sabhan Adam à Marc Petit.

Anne Van der Linden – Extatique – Acrylique sur toile – 2016 – 80×60 cm –
©Anne Van der Linden courtesy Arts Factory

Alexia Volot, fille de, hante l’Abbaye 24h sur 24. Elle accroche, choisit, décide. Efficace et souriante, née dedans (la peinture), clef de voûte décisive, elle reprend à vif le flambeau.

Outre l’impressionnante collection de quelque 3500 pièces, toujours visitable sur place, chaque année, l’Abbaye d’Auberive crée une exposition estivale d’envergure a minima nationale. On se souvient, par exemple d’expositions majeures consacrées à Alfred Kubin, à Stéphane Blanquet, prodigieux créateur, ou à Marc Petit, immense sculpteur.

Cette année, carte blanche est donnée à la galerie Arts Factory ! Installée à Paris dès 1996, la galerie Arts Factory explore depuis 25 ans la scène graphique, au carrefour du dessin, de la bande dessinée et de l’illustration. D’abord située dans le quartier des Abbesses à deux pas de la Halle Saint-Pierre, elle reprend en 2014, après une courte période nomade, le mythique loft de la Galerie Lavignes-Bastille au 27 rue de Charonne. Devenue une adresse incontournable dans un domaine longtemps ignoré par le marché de l’art dit officiel, elle accueille désormais plus de 50 000 visiteurs par an. 

Marie-Pierre Brunel – Bordeline dreams – Acrylique et craie sur toile – 2018 – 210×320 cm – ©Marie-Pierre Brunel courtesy Arts Factory

Approchés par Alexia et Jean-Claude Volot, ils ont accepté avec enthousiasme l’invitation d’investir tout l’été les grandes salles du Centre d’Art de l’Abbaye, pour une rétrospective anniversaire, superbe occasion d’éclairer un quart de siècle consacré à la promotion de créateurs et d’éditeurs, tous en marge des circuits trop balisés de l’art dit contemporain. En parfait accord, on s’en doute avec les propriétaires du lieu.

Daisuke Ichiba – Mariage – Livre d’artiste – Imprimé en sérigraphie – 36×26 cm – Edition Le Dernier Cri 2007 – Archive graphzines Arts Factory – ©Daisuke Ichiba – Le Dernier Cri

Près d’une trentaine d’artistes sont ainsi présentés, de Jim Avignon à Frédéric Voisin, ou de Nils Bertho à Jean Lecointre. On verra également, en jouissive profusion, des livres d’artistes, des archives, des éditions emblématiques, des vitrines, et encore un manifeste éditorial initié par Stéphane Blanquet, familier de l’Abbaye. 

Au programme encore, des concerts et des visites guidées avec conférencier, sur réservation. Un grand catalogue est édité, disponible à la librairie.

Jusqu’au 25 septembre 2022
Centre d’Art Contemporain de l’Abbaye d’Auberive – Auberive (52)

En Une : Frédéric Voisin – Le Phare d’Alexandrie, vision de jour – Linogravure mise en couleur à l’écoline – 2018-2019 – 145×105 cm – ©Frédéric Voisin courtesy Art Factory