« Fuego y Veneno » nous déclare tout en couleurs la sévillane Pilar Albarracín en cette 7ème édition de Lille 3000 aux accents de Fiesta ! Sa renommée internationale n’est plus à démontrer et vient réchauffer la Maison Folie de Lille Moulins, ancienne brasserie aux briques rouges devenue lieu emblématique de culture et de temps forts de la scène lilloise.
L’artiste revisite la culture espagnole au travers de son travail pluridisciplinaire (vidéo, performance, installation, photographie, artisanat), mêlant ses œuvres les plus emblématiques à des créations nouvellement conçues pour le lieu. Ainsi ses mantón de Manila, châles traditionnels espagnols portés lors des festivités, sont appréhendés avec humour, quand fleurs et oiseaux côtoient des emojis moqueurs, clins d’œil à la modernité.
Fi de cette Espagne figée dans des poses colorées et impassibles où le corps et la place de la femme n’ont point été ménagés ! Pilar Albarracín plante ses banderilles dans les inégalités et préjugés de ce pays soucieux de séduire à grand renfort d’artifices des cohortes de touristes alléchés par le soleil, tournant en dérision les traditions exagérément caricaturées, fruits de la politique icono-touristique franquiste.
Elle renverse ainsi les froufrous d’une robe de flamenco pour mieux pendre son modèle tel « Le bœuf écorché » d’un Soutine ou d’un Rembrandt. Se met en scène pour dénoncer l’oppression des femmes par une interprétation aussi personnelle que lancinante des chants de Flamenco ou encore revisite les préceptes de la corrida, ensanglantant une robe immaculée pour mieux dénoncer la violence rituelle qui stigmatise les traditions ibériques.
« Touraille » plonge le visiteur dans l’ombre vénéneuse et envoûtante d’une ultime salle aux murs tapissés de broderies de feux d’artifice, incarnation de la beauté éphémère, où installations, chants et chorégraphies revisitent les danses taurines, interpellent nos identités et déjouent les codes établis en instaurant une gynécocratie temporaire.
L’artiste défilait le 26 avril dernier lors de la grande parade de Fiesta et clôturera l’évènement à l’automne prochain par une installation étonnante. Serait-ce un hommage aux salles des pendus où l’on hissait au plafond les habits des mineurs, spectres fantomatiques symbolisant le dur labeur de ces hommes noircis par le charbon, rudoyés dans les entrailles de la terre ? Le Palais Rihour verra en tous les cas son plafond se couvrir des centaines de robes portées lors de l’ouverture de la saison, suspendues en autant de froufrous sans dessus dessous en un florilège de couleurs.
Jusqu’au 9 novembre 2025
Fuego y Veneno – Maison Folie de Lille Moulins (59)